La vertu
Introduction
Nous avons vu que la morale s'intéressait aux actes humains et en particulier aux actes humains libres. Les actes humains non-libres ne relevant pas de la tâche de la morale à proprement parler.
La morale se donne pour tâche d'analyser les actes humains libres. Mais comment le faire ? Aristote, dans son éthique à Nicomaque, s'est penché sur la question d'une manière suffisamment intéressante que désormais plus personne ne peut faire de la morale ou de l'éthique sans faire un détour par son œuvre qui est en quelque sorte pour le moraliste comme un passage obligé. Chez Aristote, un acte moral est un acte vertueux. Que veut-il dire par là ? Comment en est-il arrivé là ? C'est l'objet du cours de nous aider à intégrer dans la définition d'un acte humain, d'un acte pleinement humain la notion de vertu.
" Lorsqu'on doit recommander une personne, - dit Nicolas Dent - on s'attache généralement à identifier et vanter les aspects excellents de son caractère, ainsi que ses talents et les qualités de son tempérament. On pourrait, par exemple, vanter son caractère consciencieux, ses qualités de coopération, le fait qu'elle soit digne de confiance, sa loyauté, etc. Ce sont de telles excellences humaines que l'on appelle des vertus, des qualités de caractère admirables et louables. "(1) De plus, il est aisé de montrer, tant à travers les philosophies anciennes (comme celle d'Aristote par exemple) que dans les cultures populaires des contes et légendes, que la notion de vertu est constamment à l'œuvre. " Les emblèmes des vertus constituent un aspect central de tout héritage qui forme ainsi l'humain. En étudiant la théorie de la vertu, nous étudions donc les racines de notre être : créatures humaines vivant ensemble l'héritage d'une histoire, nous enrichissons aussi cette histoire par nos propres efforts pour mener une vie vertueuse. " (2)
Je m'inspire de la traduction réalisée par J. Tricot (vers 1958) et publiée en 1994 chez Vrin. Il reste que comme pour les grandes œuvres, il existe de nombreuses traductions. C'est pourquoi les références seront données de la manière la plus conventionnelle afin que vous puissiez la vérifier dans toutes les éditions, quelles qu'elles soient : La totalité de l'œuvre d'Aristote a été divisée en paragraphes, sous-paragraphes et en versets. C'est ainsi que l'éthique à Nicomaque qui comporte 10 livres est référencée par les paragraphes 1094 à 1161 b. Pour chacun de ces paragraphes il existe des versets d'un nombre variable. C'est par ce moyen que se donnent les références. On note ainsi une référence de la façon suivante : 1094 a 3.
Enfin, il faut aussi situer Aristote dans l'histoire de la philosophie.
Né en 384 av. J-C. à Stagire en Macédoine (d'où son surnom le stagirite), il meurt en 322 av. J-C. à Chalcis après avoir été disciple de Platon (367-347), précepteur et ami d'Alexandre, il fonda son école le lycée à Athènes vers 335 où il enseigna 12 ans. Il est l'auteur d'ouvrages variés et savants qui nous sont parvenus par les arabes (Traités à propos de la physique, de la politique, de l'éthique, de poétique, de rhétorique, …). St Thomas d'Aquin avait lu les œuvres d'Aristote et en particulier son éthique à Nicomaque.
Notons qu'Aristote a écrit deux éthiques l'une à Eudème, l'autre à Nicomaque. La seconde est de loin la plus connue et c'est à partir d'elle dont je vais parler aujourd'hui.
I. L'HOMME VEUT LE BONHEUR.
L'éthique à Nicomaque commence par un postulat qu'Aristote s'emploiera à démontrer :
Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix tendent vers quelque bien, à ce qu'il me semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le Bien est ce à quoi toutes choses tendent. 1094 a 1-3.
Cette définition appelle évidemment un commentaire.
Art (technè) : Il s'agit de l'art en général, de l'ensemble des procédés servant à produire un certain résultat. L'industrie, la technique est la vertu de l'intelligence poétique (du faire). La tecnh se distingue de l'episthémè qui désigne la science théorique.
Investigation (methodos) : dans le mot, nous distinguons (odos), la route. Il signifie la recherche, l'enquête, la marche régulière, la discipline, la méthode ce qui est le sens de l'usage dans le passage cité. Autant l'art est une science pratique, autant l'investigation est une recherche spéculative. Cette compréhension de méthodos telle qu'on la trouve chez St Thomas par exemple est contestée par Gauthier et Jolif qui préfèrent non pas science spéculative mais science de production, qui dirige la production par opposition à l'art manuel qui la réalise.
Action (praxis) : La praxis" s'oppose à la poièsis en ce sens que la première est liée à l'auteur lui-même en train d'agir alors que la seconde se détache de l'auteur comme l'œuvre réalisée se détache de son artiste.
Choix (proairesis) : Il s'agit ici d'un choix proprement délibéré, rationnel et réfléchi que l'on ne confondra pas avec le désir.
Bien (kalos) : Toute la question sera de définir ce bien et en particulier le bien souverain. Je laisse donc sa définition pour le moment sur le côté de mon exposé.
On remarquera tout d'abord la modestie du propos d'Aristote. Le " il me semble " (doxei) montre qu'on est encore dans l'ordre de l'opinion. Mais on verra qu'ensuite arrive une démonstration forte.
Dire que toutes choses tendent vers quelque bien est aussi encore une formule un peu floue. De quel bien s'agit-il ? Est-ce le même pour toutes choses ? …
La suite de la démonstration est la suivante :
Il y a des fins différentes : certaines sont dans les activités, d'autres dans le résultat des activés, c'est-à-dire dans les œuvres. Les œuvres étant considérées par nature supérieures aux activités qui les produisent. Ainsi dans l'art de la guerre, il y a des arts qui sont des fins partielles en vue d'une fin globale incluse dans l'art de la stratégie qui est la victoire. Il faut savoir fabriquer des mors, des selles pour les chevaux, savoir les dresser, acquérir la science de la stratégie, pour en définitive atteindre l'unique fin voulue, à savoir la victoire. Ainsi donc, on choisit une chose en vue d'autres.
De deux choses l'une : soit ce processus est indéfini pour lequel vouloir quelque chose est futile et vain ; soit il existe une fin ultime qui ne peut être que le " souverain bien ". Chez Aristote, on ne cherche à atteindre que ce qui est réalisable et à ce titre le bien visé pourra être atteignable. Pour le moment, le souverain bien est encore une pure abstraction dans le sens où il est présupposé et non connu concrètement mais le but sera de mieux le connaître pour pouvoir l'atteindre effectivement.
Aristote va immédiatement au but en annonçant qu'en définitive, c'est la politique qui est la science suprême puisque toutes les autres sciences lui sont subordonnées. Et la fin de la politique sera le bien proprement humain (1094 b 6).
Ce n'est qu'au chapitre suivant qu'il approfondit la question. " Puisque toute connaissance, tout choix délibéré aspire à quelque bien, voyons quel est selon nous le bien où tend la Politique, autrement dit quel est de tous les biens réalisables celui qui est le bien suprême. Sur son nom, en tout cas, la plupart des hommes sont pratiquement d'accord : c'est le bonheur, au dire de la foule aussi bien que des gens cultivés ; tous assimilent le fait de bien vivre et de réussir au fait d'être heureux. " (1095 a 15). Reste à savoir quelle est la nature du bonheur.
Il passe alors en revue les principales réalités qui manifestent la nature du bonheur en spécifiant que parfois les hommes glissent de l'une à l'autre en fonction de leur état : le plaisir, l'honneur, la santé et la richesse. Reste à savoir si chacune peut être comprise comme un bien.
La nature du bien pour l'homme est d'être, d'une part réalisable et d'autre part il consiste dans le bonheur. Il faut noter le terme de " réalisable " qui revient souvent sous la plume d'Aristote. Même s'il réfléchira l'hypothèse du bien atteignable par delà la mort (1100 a 10) sans y consentir vraiment, il s'attache au concret de la vie. N'oublions pas qu'il rédige une éthique, une science pour permettre à l'homme d'atteindre le bonheur au cours de sa vie même. Ensuite, puisque le bonheur est compris comme plus parfait que toutes les autres réalités que sont la richesse, l'honneur, le plaisir… qui sont moins parfaites ou moins excellente, c'est ce bonheur qui est affirmé comme étant le souverain bien. Les autres réalités peuvent y contribuer mais ne peuvent le réaliser pleinement.
II. QUELLE ANTHROPOLOGIE ?
Le bonheur pour l'homme suppose une anthropologie, une description de la fonction propre de l'homme. Souvenons-nous, que toute éthique se bâtit toujours en fonction d'une anthropologie, laquelle se reçoit, se construit au sein d'une vision globale du monde incluant ou non une métaphysique.
Aristote décrit l'homme par trois caractéristiques dont seule la troisième lui est propre : le simple fait de vivre est propre à tous les êtres vivants et peut être compris comme sa caractéristique végétative qui exprime une vie de croissance ; vient ensuite tout ce qui relève du sensible ou de la vie sensitive qu'ont en commun tous les animaux. " Reste donc une certaine vie pratique de la partie rationnelle de l'âme " (1096 a 1).
De ces trois formes de vie : vie végétative, vie sensitive et vie rationnelle, seule la troisième est une fonction propre de l'homme. Et si je le comprends bien, l'homme véritable, c'est l'homme qui exerce pleinement toutes ses fonctions et en particulier sa fonction rationnelle. Ainsi qu'il le dit lui-même, " un bon cithariste est un homme qui joue bien de la cithare " 1096 a 10. C'est-à-dire qu'un bon musicien n'est pas seulement quelqu'un qui a appris à bien jouer d'un instrument, mais qu'il le fait effectivement, et encore, si possible, excellemment c'est-à-dire avec vertu. La vertu (arétè) selon Tricot, est difficile à traduire. " Originairement, arétè désigne toute excellence dans quelque ordre que ce soit, une disposition naturelle du corps ou de l'âme. " (1095 b 30 note de bas de page). Gauthier et Jolif, quant à eux, signalent " qu'aucun terme français ne saurait rendre adéquatement le complexe d'idées et de sentiments qu'évoquait à un esprit grec l'idéal de l'arétè. On pourrait parler de valeur, de perfection, à condition de ne pas entendre la valeur comme une qualité morale, mais plutôt comme s'exprimant tout entière dans une action, qui est une belle réussite. " (3)
Ce n'est qu'au 1096 a 16 qu'Aristote définit ce qu'est le bien pour l'homme en lui donnant un contenu plus précis : étant donné ce qui a été dit plus haut, " la fonction de l'homme consiste dans un certain genre de vie, c'est-à-dire dans une activité de l'âme et dans les actions accompagnées de raison ; si la fonction d'un homme vertueux est d'accomplir cette tâche, et de l'accomplir bien et avec succès, chaque chose au surplus étant bien accomplie quand elle l'est selon l'excellence qui lui est propre : - dans ces conditions, c'est donc que le bien pour l'homme consiste dans une activité de l'âme en accord avec la vertu, et, au cas de pluralité de vertus, en accord avec la plus excellente et la plus parfaite d'entre elles. Et cela dans une vie accomplie jusqu'à son terme ".
Il faut bien entendre ici que la fonction de l'homme n'est pas de réaliser une œuvre qui lui serait extérieure à terme. La fonction propre de l'homme est dans l'activité même de l'âme. C'est dans l'action que s'accomplit l'homme et non dans le fruit de son action.
Ensuite, l'expression " dans une vie accomplie jusqu'à son terme " veut signifier que cette activité de l'âme ne peut être l'activité d'un jour mais qu'elle doit s'inscrire dans la durée, dans la persévérance. Là se trouve l'excellence.
Aristote va ensuite plus loin jusque dans la réconciliation des biens (plaisir, réussite, …) avec le souverain bien qu'est le bonheur. Si le bonheur est bien supérieur au plaisir ou à la réussite, il demeure qu'une activité de l'âme accomplie excellemment, avec vertu, ne peut pas ne pas donner de plaisir à celui qui a parfaitement agit. Autrement dit, si " le bonheur est une activité de l'âme conforme à la vertu " il peut intégrer les autres biens mais ne peut être réduit à ces biens (1099 b 25).
Pour le dire en termes plus modernes, il me semble que pour Aristote le bonheur complet suppose l'implication de tout l'homme dans son activité même si c'est sa fonction rationnelle qui qualifie l'humanité de son activité. Le bonheur suppose donc une unification de la personne dans son agir tant envers les objets extérieurs qu'il produit (son œuvre) que par rapport à son corps et par rapport à son âme. Nous ne sommes, ici, plus très loin de la prière du psalmiste qui dit " Unifie mon cœur, que je craigne ton Nom " Ps. 85.
Il reste que la vertu n'est pas encore vraiment définie. Le reste de l'œuvre (les neuf derniers livres de l'éthique à Nicomaque, N° 1103 a 11 au N° 1161 b 25) va s'employer à préciser ce qu'est une vertu au sens général et au sens particulier pour chacune des vertus particulières.
Nous nous intéresserons surtout au sens général, faute de temps.
III. QU'EST-CE QUE LA VERTU CHEZ ARISTOTE ?
En fait, Aristote s'intéresse moins à la nature de la vertu qu'à la manière de l'acquérir. Elle a pour but de permettre d'atteindre le bonheur, le souverain bien. Souverain bien qui est compris comme un bien réalisable, pour ici-bas. Selon Gauthier et Jolif, " le lien qu'Aristote établit entre le bonheur et la vertu correspond à une vue typiquement grecque, et qui cette fois est en complète opposition avec la vision chrétienne : dans cette dernière, la béatitude est rejetée dans l'autre vie, et, bien loin d'y apparaître comme béatifiants par eux-mêmes, les actes de vertus accomplis ici-bas n'y sont que les moyens, souvent douloureux, de s'acheminer vers cette béatitude future. Le lien bonheur-vertu reste, et la Somme de théologie de saint Thomas passe comme l'Ethique d'Aristote d'un traité du bonheur à un traité de la vertu, mais le lien qui unit bonheur et vertu est ici et là entièrement autre : en passant du bonheur à la vertu, on passe dans l'Ethique du confus au clair, du tout aux parties, on tombe dans la Somme du ciel à la terre, de la Patrie bienheureuse à la voie douloureuse. " (4)
Comme on l'a dit plus haut, l'arétè est difficile à définir. Elle a sa source dans le monde militaire. Avait de l'arétè, non seulement celui qui était courageux au combat mais encore celui qui n'humiliait pas son ennemi, ne causait pas la mort de ses camarades par sa faute. Bref ! L'arétè est ainsi fondée sur une noblesse d'âme, sur un véritable sentiment de l'honneur qui pousse le héros à accomplir les actions d'éclats qui lui vaudront, au milieu de ses pairs, gloire et renommée. Elle était synonyme d'une action réussie, pleinement réussie. Et l'on conçoit que dans cette forme extrême, seule une certaine élite pouvait accomplir des arétai. On a gardé dans une expression française cet aspect de force contenue dans le mot vertu (racine de l'homme en latin) lorsque l'on dit d'un plat qu'il a de la vertu pour dire qu'il est bien épicé.
A l'origine, il n'y avait qu'une seule arétè, mais petit à petit le sens a glissé du monde militaire au monde sportif et politique et l'on finira par admettre qu'il y a plusieurs arétai parce que plusieurs domaines où l'arétè pouvait être exercée.
A. LA VERTU : UNE POSITION D'EQUILIBRE
La vertu, pour Aristote, se comprend toujours au regard des absolutisations possibles. Par exemple, la vertu du courage peut être déviée de deux manières différentes soit par défaut de courage, auquel cas on tombe dans la lâcheté, soit par excès de courage et l'on tomberait dans la témérité. Ce qui cause une telle déviance est lié à notre rapport au plaisir que l'on désirerait par trop ou à la souffrance que l'on craindrait trop aussi. De même ne pourrait être appelé un homme vertueux celui qui se livrerait à tous les plaisirs comme celui qui serait insensible à tout.
Autrement dit, une vertu se comprend toujours entre son défaut et son excès. La vertu est toujours affaire de mesure ou d'équilibre. Aristote donne 8 arguments pour décrypter la manière d'acquérir de la vertu ( 1104 b 9 à 1105 a 13) :
1. Nous devons apprendre à trouver nos plaisirs et nos peines là où il convient.
2. La vertu a toujours à voir avec le plaisir et la peine.
3. Les sanctions se font donc par ces moyens en usant des opposés.
4. Il s'agit seulement d'apprendre les plaisirs et les peines que l'on ne doit pas rechercher ; mais aussi qu'il y a des moments plus favorables que d'autres. La vertu consiste à maîtriser l'ensemble de ces données par la voie rationnelle, à les ordonner. Le vice est tout le contraire de la vertu, c'est une forme de désordre.
5. Il existe trois facteurs principaux aux regards desquels nous devons choisir : le beau, l'utile et le plaisant (ou leur contraire : le laid, le dommageable et le pénible). Si le vertueux est capable de tenir une conduite ferme au milieu de tous ces facteurs, le méchant lui est exposé à faillir surtout en ce qui concerne tout ce qui est agréable.
6. Ce qui rend la vertu difficile, c'est que dès l'enfance, nous avons reçu une éducation au plaisir et cela imprègne toute notre vie.
7. C'est à l'aune du plaisir ou de la peine éprouvés que nous mesurons la plupart de nos actions.
8. Il n'est pas facile de lutter contre le plaisir. La vertu est d'autant plus grande lorsqu'elle est contrariée fortement.
B. VERTU ET DEVELOPPEMENT MORAL.
Pour qu'un homme soit vertueux, il ne suffit pas qu'il commette des actes vertueux car n'importe qui peut agir bien sans le faire exprès, sans savoir pourquoi, sans même s'en rendre compte. Cette remarque est assez fondamentale car elle dit en quelque sorte que la vertu de l'acte ne repose pas au sein même de l'acte selon des caractéristiques bien déterminées, intrinsèque à l'acte lui-même. " Il faut encore que l'agent lui-même soit dans une certaine disposition lorsqu'il agit :
1. Il doit savoir ce qu'il fait.
2. Il doit choisir librement l'acte en question.
3. Il doit l'accomplir dans une disposition d'esprit ferme et inébranlable.
Chose intéressante, ces critères ne concernent que les dispositions intérieures de l'agent mais nullement son habileté technique, sa science, son intelligence… Cela ne veut pas dire qu'il doit être ignorant mais en fait, nous avons là un premier descriptif de la conscience à l'œuvre dans l'action.
Ensuite, cela suppose que la vertu s'apprend en l'accomplissant. C'est en forgeant que l'on devient forgeron, c'est posant des actes courageux que l'on devient courageux. A ce titre, la vertu ressemble, chez Aristote, à un organe que l'on peut éduquer, qui peut progresser, mais aussi régresser. L'acquisition d'une vertu suppose de s'y essayer, et donc de ne pas craindre l'échec a priori. On ne naît pas vertueux, on le devient. Chez Aristote, même si ce n'est pas exprimé comme tel, il est évident qu'il existe un développement moral de la personne pour peu que celle-ci s'exerce à la vertu.
C. LA VERTU COMME DISPOSITION
La vertu, nous l'avons vu implique tout l'homme : sa partie appétitive, sa partie sensitive et sa partie intellectuelle. Pour cette troisième partie, Aristote affirme que l'âme connaît trois sortes de phénomènes : les états affectifs, les facultés et les dispositions.
1. Les états affectifs concernent toutes les inclinations au plaisir ou à la peine. (Il s'agit de l'état où nous éprouvons effectivement la colère, la haine, la joie, le plaisir, … comme si dans ce domaine nul volonté ne pouvait s'exprimer. On est dans le ressenti.).
2. Les facultés sont les aptitudes qui font dire que nous sommes capables d'éprouver des affections. (Elles ne sont pas toujours sollicitées, elles peuvent être à l'état latent).
3. Les dispositions manifestent notre comportement concret à l'égard des affections que nous avons ressenties. Trois types de réactions : violente, nonchalante et mesurée laquelle est le type même de la vertu.
Il y a là toute une anthropologie. Le vice et la vertu ne sont pas dans les affections mais bien dans la manière de gérer les affections. Là s'exerce la liberté de l'agent, son choix et sa détermination ou sa volonté. On trouve un équivalent dans l'Ecriture lorsque Dieu dit à Caïn : " Si ton cœur est bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? ".
" Si donc les vertus ne sont ni des affections, ni des facultés, il reste que ce sont des dispositions " 1106 a 10.
D. LA VERTU COMME VOIE MOYENNE.
Vous l'aurez compris de vous-mêmes, chez Aristote, la vertu se trouve au milieu, la vertu est une médiété entre un excès et un défaut. La vertu est dans la mesure. (5)
[Nous avons déjà compris que l'œuvre de la vertu est de permettre à l'homme d'être un bon homme, comme à un musicien d'être un bon musicien c'est-à-dire que la vertu est cette disposition par laquelle un homme devient bon et par laquelle son œuvre (ergon) propre sera rendue bonne. 1106 a 22.]
Aristote affine sa démonstration en montrant alors que ce lieu moyen n'est pas celui de la chose mais qu'il est relatif à nous. La mesure pour l'un n'est pas la mesure pour un autre. Ainsi pour un grand sportif, la mesure de sa nourriture ne sera pas la même que pour un malade, une personne chétive, un jeune, un vieillard… L'excès pour l'un pourra être la voie moyenne d'un autre.
Cette remarque est fondamentale ! En effet, elle nous pose la question de savoir si, chez Aristote, il n'y a de morale que particulière et en définitive, s'il n'y a pas un risque de tomber dans le relativisme. Déjà nous avions vu que l'acte vertueux reposait sur la connaissance, la liberté et le choix déterminé de l'agent moral. Ici l'importance de l'agent moral est encore manifestée en ce que ce n'est pas l'objet qui dit la voie moyenne mais bien l'agent lui-même.
En fait, on ne peut tout de même pas dire que nous sommes dans le relativisme pour un certain nombre de raisons : D'une part c'est par des arguments rationnels que l'homme doit trouver la voie moyenne. Cela suppose qu'il doit pouvoir en rendre compte à d'autres. Ensuite, il y a aussi, chez Aristote, des actes que l'on ne peut jamais faire, qui sont intrinsèquement mauvais pour parler avec les mots d'aujourd'hui. Ainsi qu'il le dit lui-même au N° 1107 a 10 : " Toute action n'admet pas la médiété, ni non plus toute affection, car pour certaines d'entre elles leur seule dénomination implique immédiatement la perversité, par exemple la malveillance, l'impudence, l'envie, et, dans le domaine des actions, l'adultère, le vol, l'homicide : ces affections et ces actions, et les autres du même genre, sont toutes, en effet, objets de blâme parce qu'elles sont perverses en elles-mêmes, et ce n'est pas seulement pour leur excès ou leur défaut que l'on condamne. " La vertu ne s'exerce donc que sur des domaines non pervers. Tout n'est pas possible chez Aristote. La vertu s'exerce dans le cadre des possibles (comme l'indifférence ignacienne ne s'exerce que sur ce qui n'est pas interdit).
C'est ainsi une forme provisoire de la définition de la vertu à laquelle nous aboutissons pour le moment : " la vertu est une sorte de médiété, en ce sens qu'elle vise le moyen " (1106 b 24).
E. L'HOMME VERTUEUX EST UN HOMME PRUDENT
L'homme vertueux s'appelle chez Aristote le "phronimos". Il s'agit de l'homme prudent, l'homme de jugement, de l'homme qui possède le jugement pratique. C'est celui qui non seulement est capable de discerner de manière réfléchie et délibérée la voie moyenne, la médiété entre deux vices mais qui, une fois ce discernement opéré, est capable de porter au sommet de l'excellence la vertu qu'il souhaite mettre en œuvre.
Excellence | SOMMET | ||
Substance | Défaut | Médiété | Excès |
Vice | Vertu | Vice |
Aristote prend la peine de définir le concept de prudence mais au livre VI, chapitre 5 (1140 a 25 - 1140 b 30). Pour faire bref nous pourrions résumer sa théorie de la façon suivante.
La prudence ne s'exerce pas sur des choses qui ne peuvent changer, que l'on ne peut accomplir ou encore qui relèvent d'une appréciation sur la nature d'un objet (un triangle est-il équilatéral ou pas, …). La phronésis n'est ni une science exacte, ni une technique de production (un art).
La prudence ne porte que sur les actions morales. Ensuite, il convient de ne pas réduire son jugement à une fin immédiate mais de voir si, à terme, telle action peut conduire à la vie heureuse (souverain bien). C'est-à-dire qu'elle s'efforce de voir jusqu'où peut porter les conséquences de son action. Autrement dit, elle a à cœur d'élargir, de " téléologiser " son point de vue. " La prudence est une disposition (habitude), accompagnée de règle vraie, capable d'agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour l'homme ". (1140 b 5). J. Tricot explicite le propos d'Aristote en affirmant " qu'une défaillance, un oubli dans ce domaine est une faute d'ordre moral, toute différente d'une simple erreur intellectuelle, comme il s'en produit dans l'art (technique de production) et de la science.
La prudence selon Aristote relève plus de l'opinion doxa que le l' épistémè. En ce sens, elle ne peut réclamer pour elle la dimension d'excellence, contrairement aux autres vertus.
D'une certaine manière, la prudence est la reine des vertus et en même temps, une vertu un peu à part des autres. C'est en effet sous son gouvernement ou son commandement que les autres vertus sont coordonnées jusque dans l'excellence pour parvenir à la fin ultime, au souverain bien, à la vie heureuse. Les autres vertus sont des moyens, la phronésis, quant à elle prend en compte le souverain bien.
La phronésis pour être la reine des vertus suppose aussi l'existence d'autres vertus, et elles sont très nombreuses. Les quatre vertus les plus connues sont : prudence, justice, force (courage), tempérance. Cette liste est très ancienne. On trouve déjà cette liste dans 'le schéma platonicien et stoïcien des quatre vertus cardinales. Le livre de la Sapience y faisait déjà écho en un texte souvent cité : " Qui est plus riche que "Sagesse"… ? Aime-t-on la justice ? "Sagesse" fait naître les vertus : elle enseigne la tempérance et la prudence, la justice et la force " (Sap., 8, 5-7) (6).
Pierre Aubenque, dans son ouvrage fameux sur la " prudence chez Aristote ", conclut son travail sur une réflexion à propos du hasard et de l'éthique où la prudence est perçue comme le risque et la chance de l'action humaine.
" Ou plutôt la vie de l'homme se meut entre deux hasards : le Hasard fondamental de la naissance, qui fait que la bonne nature n'est pas également partagée ; le hasard résiduel de l'action, qui fait que les résultats ne sont jamais tout à fait prévisibles. Mais le hasard de la naissance est le hasard résiduel de l'action divine, et la grandeur de l'homme consiste, en prolongeant par la prudence l'action d'une Providence défaillante, à reculer le plus possible les limites de l'imprévisible et de l'inhumain. La métaphysique nous apprend, contre son gré, que le monde sublunaire est contingent, c'est-à-dire inachevé. Mais les limites de la métaphysique sont le commencement de l'éthique. Si tout était clair, il n'y aurait rien à faire, et il reste à faire ce que l'on ne peut savoir. Pourtant, on ne ferait rien si l'on ne savait, en quelque façon, ce qu'il faut faire. A mi-chemin d'un savoir absolu, qui rendrait l'action inutile, et d'une perception chaotique, qui rendrait l'action impossible, la prudence aristotélicienne représente - en même temps que la réserve, verecundia, du savoir la chance et le risque de l'action humaine. Elle est le premier et le dernier mot de cet humanisme tragique qui invite l'homme à vouloir tout le possible, mais seulement le possible, et à laisser le reste aux dieux. " (7)
En définitive, je vous donne la définition la plus achevée de la vertu chez Aristote :
" La vertu est une disposition à agir d'une façon délibérée, consistant en une médiété relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l'homme prudent " (1107 a 1)
IV. Quelques définitions :
St Augustin :
- La prudence est un amour qui choisit avec sagacité.
St Thomas d'Aquin :
La prudence comporte plusieurs éléments :
- la mémoire des expériences acquises,
- le sens intérieur d'une fin particulière,
- la docilité à l'égard des sages et des aînés,
- la prompte attention aux conjonctures,
- l'investigation rationnelle, progressive,
- la prévision des contingences futures,
- la circonspection des opportunités,
- la précaution dans les complexités.
- A partir de quoi entrent comme composantes :
- le bon conseil dans sa rectitude,
- le jugement droit sur les actions particulières,
- le discernement des conditions exceptionnelles.
D'après la Somme théologique, Ia IIae, Q 48.49.51. (Rassemblé par M-D. Chenu).
On trouve là, rassemblé dans la vertu de prudence, tous les éléments ou presque nécessaires à un bon discernement.
V. POUR ACQUERIR DE LA VERTU
Selon le travail de Tricot, il semble bien qu'Aristote a placé les vertus entre deux vices, l'un par défaut et l'autre par excès. Mais il est assez clair que chaque vertu est plus proche d'un vice que de l'autre.
Voici un petit tableau à propos de quelques vertus particulières :
Défaut |
Vertu |
Excès |
Peur | lâcheté | Courage Témérité |
Peine | Modération | Plaisir |
Parcimonie | avarice | Libéralité Prodigalité |
Mépris | Grandeur d'âme | Honneur |
Indifférent | Débonnaire | colère Irascible |
Réticent | Véridique | Vantard |
Rustre | Enjoué | Bouffon |
Chicanier | Aimable | Complaisant |
Timide | Réservé | Impudent |
Malveillant | Indignation | Envie |
A la lecture de ce tableau, bâti selon la traduction de Tricot qui est une traduction reconnue, nous ne sommes pas très convaincu. Peut-être que les mots ont changé de sens depuis 2300 ans mais aussi peut-être parce que Aristote n'a pas été jusqu'au bout de sa pensée.
En effet, il dit lui-même qu'il y a des vertus qui sont plus proches d'un vice que de son opposé. Il déploie alors toute une technique subtile et à vrai dire que je n'ai pas trouvé très claire pour acquérir de la vertu. Parmi les arguments les plus recevables, j'en ai trouvé deux que je vous transmets : Aller dans la direction opposé du vice dont on est le plus proche ; se méfier du plaisir qui nous attire toujours.
Il y a jusque dans la tradition ignacienne un exercice spirituel intéressant lorsque l'on n'arrive pas à être indifférent à tel état de vie. Normalement peu importe que l'on soit riche ou pauvre pourvu que cela serve sa divine majesté. Mais si l'on est trop attiré par la richesse, alors, l'exercice consiste à demander explicitement la pauvreté.
Pour se sortir de cette difficulté, un moraliste m'a mis la puce à l'oreille mais je ne sais plus qui. En tout cas, voici une solution qui me paraît très productive pour acquérir de la vertu.
Au lieu de fonctionner à trois termes, il faut bâtir un tableau à quatre termes. Car s'il existe une vertu qui est plus proche d'un vice que de l'autre, n'est-il pas possible d'intercaler une autre vertu entre la vertu et le vice le plus éloigné ?
Vice par défaut Vertu A Vertu B Vice par excès. Ce qui donnerait à titre d'exemple :
Vice par défaut |
Vertu A |
Vertu B |
Vice par excès |
Lâcheté | Prudence | Courage | Témérité |
Avare | Econome | Généreux | Prodigue |
... |
L'attitude vertueuse serait toujours dans une médiété qui se trouverait investie non pas dans une vertu comparée à deux vices par excès ou par défaut mais dans une tension heureuse, productive de sens, créatrice de la liberté du sujet et autocritique. Les avantages d'un tel système sont nombreux :
1. Eviter de figer une vertu dans des mots au sens plus ou moins variable selon chacun.
2. Honorer le critère du " relatif à nous "
3. Permet une certaine latitude d'interprétation
4. Aide à ne pas tomber dans l'excès dont on est le plus proche.
5. L'attitude vertueuse trouve en elle-même une autorégulation ou une dimension autocritique.
6. Elle met en œuvre la partie rationnelle de notre être car convoque l'agent à se positionner de manière plus fine encore qu'avec la règle aristotélicienne.
7. Enfin, elle permet d'accueillir la nuance d'Aristote lui-même : " Celui qui dévie légèrement de la droite ligne n'est pas répréhensible " (1109 b 18).
A titre d'exercice, je vous donne un terme et vous trouvez les trois autres qui manquent. Il est possible d'avoir plusieurs solutions.
Orgueil, patience, gourmandise, ascèse,…
Pour donner un exemple tiré de la morale familiale et sexuelle. Xavier Lacroix, lorsqu'il tente de qualifier la caresse et plus particulièrement la relation sexuelle, ne se contente pas d'un seul mot mais de deux. Il montre bien que le geste est grave (qu'il a du poids) à cause des personnes en jeu, de la question de la fécondité, … Mais en même temps il atteste qu'il a aussi toute une dimension ludique, de légèreté, de jeu. Son effort éthique consiste à articuler ces deux dimensions sans jamais céder sur l'une ou l'autre. La relation sexuelle est gravement légère ou légèrement grave. Elle peut être ludique parce qu'elle assume la gravité du geste ; elle peut être grave parce qu'elle se vit aussi de manière ludique. Bref ! Elle n'est ni banale, ni hypergrave.
CONCLUSION : POURQUOI LA VERTU EST-ELLE NECESSAIRE ?
Pour Aristote, la vertu n'est pas naturelle au sens où nous naîtrions avec elle. Mais ce n'est pas non plus contrairement à la nature que naissent en nous les vertus puisque c'est cette même nature qui nous a donné cette capacité de les recevoir et de les mener à maturité par l'habitude (hexis). 1103 a 25. Nous reviendrons sur cette habitude qui veut traduire une disposition permanente du sujet à agir de telle ou telle manière selon les circonstances particulières.
Aristote ne dit pas expressément pourquoi il importe d'être un homme vertueux plutôt que de ne pas l'être. Mais il me semble que si la vertu est bien cette disposition permanente que l'homme a acquise, elle lui est nécessaire pour vivre en société. Sans elle, on tomberait dans l'anarchie, le chaos. La vertu suppose la durée, et donc sollicite la capacité du sujet à durer, à tenir sa parole, à être un homme fiable pour lui-même et pour la communauté. La vertu est à ce titre une disposition humaine hors de laquelle rien de durable, de fiable ne peut se construire avec d'autres hommes. La capacité de l'homme à agir de manière vertueuse est la condition de possibilité de la vie politique, c'est-à-dire des projets et des conditions de vie concrètes qui permettront aux citoyens de s'accomplir comme homme. En revanche lorsque l'homme est vertueux, on peut lui faire confiance, lui donner des responsabilités. Mais tout cela est encore bien théorique.
Nicolas Dent propose une approche complémentaire à celle que je viens d'avancer. Je rappelle tout d'abord le bon sens de la vie sociale lorsque l'on recommande quelqu'un, c'est au titre de ses vertus ainsi que l'exprime nettement Dent dans l'introduction de son article.
Mais dans le corps de l'article, il rappelle qu'en général on peut agir pour trois raisons : par devoir, par utilité et par vertu. Et la vertu est absolument nécessaire dans cette trilogie parce qu'en réalité tous les motifs d'actions qui nous ont habité ne relèvent pas nécessairement de l'obligation. Trois raisons nourrissent l'argument de Dent :
1. Nous avons parfois agi librement, gratuitement, sans retirer aucun bénéfice direct. Les B.A. des scouts sont des exemples de ce genre d'actes.
2. De plus, il est impossible à un corpus législatif de tout prévoir, de tout appréhender. Il importe donc d'avoir des ressources pour l'action aux côtés de l'appareil législatif.
3. La vertu donne une souplesse et une force dans la complexité de la vie. Le principe universel du bien pour tous rencontre parfois des applications concrètes où l'on est bien obligé de constater des conflits de valeurs. C'est alors qu'intervient ce que d'aucuns appellent la " sagesse pratique " si chère à Paul Ricoeur et dont le 6° stade de Kohlberg semblait s'approcher.
© Bruno Feillet
Bibliographie
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, trad. J. Tricot, Paris, Vrin, 1996. Première édition en 1958.
AUBENQUE Pierre, La prudence chez Aristote, P.U.F., Paris, 1963.
COMTE-SPONVILLE André, Petit traité des grandes vertus, P.UF. / Perspectives critiques, Paris 1995.
DENT Nicolas J. H., " Vertu " in Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale, P.U.F., Paris, 1997.
GAUTHIER René Antoine et JOLIF Jean Yves, L'éthique à Nicomaque, Commentaire, première partie, Ed. Béatrice Nauwelaerts, Louvain, 1959.
LACROIX Michel, Le courage réinventé, Flammarion, Paris, 2003, 148 pages.
THOMAS d'AQUIN, Textes sur la morale traduits et présentés par Etienne Gilson, Vrin, Paris, 1998.
1. DENT, p. 1571.
2. DENT, p. 1578.
3. Gauthier et Jolif, p. 101.
4. Gauthier et Jolif, p. 89.
5. Ce qui aboutira à l’adage suivant : « In medio stat virtus ».
6. Häring Bernard, La loi du Christ, tome 1, p. 283.
7. Pierre AUBENQUE, p. 176-177.