Le Pape est-il contre le préservatif ?
Intervention sur le site des jeunes de catho-Cambrai Octobre 2005
Voilà une question que l’on entend souvent. Elle mérite donc une réponse. En réalité, on ne connaît pas de textes du Saint Père qui parle du préservatif. En rigueur de termes, on ne peut donc pas dire que le Pape est contre le préservatif. On ne peut cependant se contenter d’une réponse comme celle-ci qui pour exacte qu’elle est, ressemble un peu à un coup de pied en touche.
Il faut, pour répondre à cette question, envisager plusieurs cas de figure et ne pas craindre d’affronter la complexité des situations humaines qui touchent à la fois à la sexualité et à la santé publique.
Le préservatif possède un double effet : d’une part il empêche une éventuelle fécondation lors d’un rapport sexuel entre un homme et une femme. A ce titre, il a un effet contraceptif. D’autre part il évite, lors du rapport sexuel, le contact entre les muqueuses et donc les éventuelles contaminations de maladies aussi graves que le SIDA et toutes les autres MST. Il a alors un effet de préservation de la santé des partenaires. Ces deux effets sont simultanés et ne peuvent être séparés l’un de l’autre.
L’utilisation du préservatif peut s’inscrire dans un nombre de situations très diverses. Je vais en prendre trois. Le cas d’un couple légitimement marié qui n’a pas d’enfant mais dont l’un des conjoints est séropositif parce qu’il a été contaminé par une transfusion sanguine ou un accident de travail dans un hôpital. Le cas d’un(e) jeune qui recherche des relations sexuelles pour le plaisir qu’il y trouve sans égard particulier pour les partenaires qui acceptent de rentrer dans son jeu. Enfin, le cas du couple ordinaire, marié, en bonne santé et qui a déjà deux enfants. Il y a bien sûr beaucoup d’autres situations, mais celles-ci devraient vous permettre de trouver un chemin de réponse.
Remarque
La réflexion morale catholique reconnaît aux relations sexuelles dans un couple marié plusieurs fonctions : d’une part l’union du couple par le don de chacun à l’autre et tout le bien et le plaisir qui peuvent en résulter ; d’autre part la procréation des enfants. On sait que tout ce qui diminue le don de soi est moins bien que le don total. Si on s’aime vraiment, on ne peut dire : « je t’aime pour une nuit ou pour trois ans ; ou encore je t’aime uniquement si tu prends la pilule ». L’amour vrai suppose que l’on se donne intégralement (avec tout son cœur, son corps et son âme sans réserve sur l’état de la fécondité du conjoint) mais aussi totalement (sans réserve sur le temps à venir et l’évolution de la santé de l’autre par exemple).
1. Dans le cas de notre couple marié où l’un des membres est devenu séropositif à la suite d’un accident, on peut supposer qu’ils s’aiment avec tendresse et qu’ils souhaitent avoir des enfants. Mais le sens de la responsabilité et de la vie de l’autre est tel qu’ils ne peuvent avoir des rapports sexuels non protégés sans un risque sérieux de contamination. A ce titre, il est à mon sens tout à fait possible d’utiliser un préservatif pour permettre l’union des conjoints. L’effet contraceptif n’est pas voulu pour lui-même, il est second et consécutif au souci légitime de la santé des membres du couple. Il est indirect et il est probablement regretté.
2. Dans le second cas, voilà un(e) jeune qui est entré(e) dans une pratique sexuelle légère ou la quête du plaisir facile. Il ou elle y a pris goût et n’arrive pas à se détacher d’une habitude enracinée dans sa vie. Le risque du SIDA et des MST l’aurait peut-être empêché de passer à l’acte mais le préservatif jouant un rôle de protection, il se peut que la force morale seule de mener une vie digne ne soit pas assez forte pour empêcher les relations sexuelles.
Dans ce cas-là, il est clair que le ou la jeune vit un désordre dans sa vie affective. Mais tant qu’il ou elle ne peut y remédier, mieux vaut mettre un préservatif plutôt que de risquer sa vie ou celle d’un(e) autre. Là encore, c’est la question de la protection de la santé qui domine l’analyse du cas même si l’aspect contraceptif est probablement tout autant souhaité.
3. Dans le troisième cas, nous avons un couple marié qui n’a pas de problème de santé et qui a déjà deux enfants. Ils essayent de vivre avec sérieux leur responsabilité de parents et le couple ne sait pas s’ils en veulent un troisième. Ici, seule la question de la gestion de la fécondité du couple est en jeu. L’usage éventuel du préservatif pour réguler la fécondité du couple se ferait uniquement en fonction de son aspect contraceptif. C’est là que dans la morale catholique, la question devient problématique.
Ordinairement, l’Eglise catholique recommande que les couples gèrent leur vie sexuelle et leur fécondité sans séparer les fonctions d’union du couple de la fonction de fécondité. Et s’ils ne désirent pas avoir d’autres enfants, ils sont invités, par une bonne connaissance de la physiologie féminine à vivre des rapports sexuels ou à s’en abstenir en fonction des périodes infécondes de la femme. Ce discours n’a évidemment de sens que si c’est vraiment possible. Les animateurs du CLER ou de la méthode BILLINGS qui n’ont pas tout à fait la même approche, essayent de répondre à cette question de manière très concrète. Il ne faut pas hésiter à les rencontrer.
Cependant si pour des raisons d’habitudes, ou de manque de confiance de l’un des deux conjoints, ou pour d’autres motifs, le couple n’arrive pas à se passer d’une méthode contraceptive, il convient qu’il se pose plusieurs questions : La décision est-elle prise par les deux ou seulement l’un des deux ? Qui porte la décision : la femme seule, l’homme seul ou les deux ? La méthode retenue est-elle irréversible (stérilisation) ou provisoire ? La décision est-elle prise pour la vie ou (ce qui vaudrait mieux) pour un temps afin de reparler des conséquences positives et négatives sur la vie du couple ? Enfin, en cas d’éventuel « échec » de la méthode (et donc de l’annonce d’une grossesse), le couple accueillera-t-il l’enfant ou optera-t-il pour l’avortement ?
L’Eglise catholique estime qu’il y a beaucoup à gagner pour les couples qui le veulent et le peuvent à trouver une méthode de régulation des naissances qui soit responsable et qui respecte les différences de l’homme et de la femme en matière de fécondité.
Mais, il ne faut pas oublier non plus que dans un couple il y a deux personnes qui n’ont pas forcément exactement la même approche de cette question ; que les peurs et les habitudes sont parfois des freins. Ainsi, même si le couple ne parvient pas à tout mettre en œuvre dans l’instant, qu’il se souvienne que la vie n’est pas seulement une affaire de tout ou rien. Qu’avec humilité, il s’appuie sur la grâce de Dieu qui éclaire l’intelligence et incline la volonté à faire le bien. Il reste que, quelque soit la décision que le couple prendra, il s’agit d’être en route vers le Royaume de Dieu, une route sur laquelle chacun peut progresser petit à petit.
© Bruno Feillet. Octobre 2005.