La sagesse des proverbes

Voici quelques expressions populaires qui sont pour la plupart des proverbes. Cette page a pour objet de les commenter, d'en découvrir la sagesse ou les limites. N'hésitez pas à proposer des expressions à la sagacité des internautes.

 

Les proverbes Flamands (1559) Pieter Brueghel, Huile sur bois de chêne 117 x 163 cm
Berlin, Staatliche Museen zu Berlin Kulturbesitz, Gemäldegalerie Pieter Brueghel  
Les proverbes Flamands (1559) Pieter Brueghel, Huile sur bois de chêne 117 x 163 cm Berlin, Staatliche Museen zu Berlin Kulturbesitz, Gemäldegalerie
Les proverbes Flamands (1559) Pieter Brueghel, Huile sur bois de chêne 117 x 163 cm Berlin, Staatliche Museen zu Berlin Kulturbesitz, Gemäldegalerie
 
 

 N'hésitez pas à proposer des expressions à la sagacité des internautes.

 

A l’impossible, nul n’est tenu.

Voila un proverbe plein de sagesse. Il signifie que personne n’est obligé de faire ce qui est impossible à faire : courir le 100 mètres en 5 secondes ; construire un immeuble de 20 étages en une journée ; ou pendre un phoque pour donner la version anglaise de ce proverbe.
Sur le fond, il renvoie les personnes sur le poids du réel dans la vie. Les réalités de ce monde ont leur force et leur inertie. On ne peut en changer les lois simplement parce que cela nous arrangerait. Les moralistes ont traduit ce proverbe sous la forme de l’adage suivant : on fait de la morale EN situation. C’est toujours dans un contexte bien réel, bien concret que peuvent se donner les conseils, s’élaborer les conduites les plus humanisantes au regard des principes fondamentaux qui nous habitent. Hors la situation, nous sommes dans le rêve ou le monde de l’imaginaire dont chacun sait qu’il ne connaît pas de limites.
En revanche, s’il est nécessaire de faire de la morale EN situation, cela ne veut pas dire que l’on fasse de la morale DE situation. La morale DE situation consisterait à changer nos valeurs et nos principes en fonction de la situation présente, en fonction de ce qui nous arrange. Cette distinction n’est pas toujours facile à comprendre et pourtant elle est essentielle !
Les évangiles portent la trace de l’importance du réel dans la façon dont le Christ a conduit sa vie et formé ses disciples. Ainsi dans le fameux évangile où les disciples devaient nourrir une grande foule, on les voit s’inquiéter : « Faudra-t-il que nous allions acheter des pains pour deux cents deniers afin de leur donner à manger ? » Mais le Christ les renvoie au réel : « Combien de pains avez-vous ? Allez voir ». S’en étant informés, ils disent : « Cinq pains et deux poissons ». Et c’est à partir de ce réel tout simple que le Christ fit le partage. La foule n’a pas été nourrie par le pouvoir du génie d’une lampe magique, mais bien par l’accueil du réel qui a été béni et offert en action de grâce. (Mc 6, 30-44).

 

Avant d'enlever la paille de l'oeil de ton voisin, retire la poutre qui est dans le tien.

Ce proverbe que l'on trouve dans les évangiles rappelle deux choses fort importantes. D'une part nous sommes souvent bien prompts à critiquer nos voisins et même à leur faire la leçon. D'autre part, il nous est plus facile de repérer les défauts des autres, même les plus petits, que d'admettre que nous en avons aussi et parfois de plus grands. Il convient donc, sous peine de tomber sous l'accusation d'hypocrisie, de balayer devant sa porte avant de vouloir le faire devant la porte des autres. Le grand risque de ce proverbe est d'engendrer une paralysie dans l'encouragement mutuel à progresser car ceux qui nous connaissent bien pourrons toujours nous accuser de ne pas être parfaits. La lucidité sur nos péchés nous rendrait muet.

En réalité, une vraie lucidité sur nous-mêmes devrait nous conduire à plus d'humilité et à un effort permanent pour progresser. Cette attitude intérieure colorera nécéssairement notre parole et nous rendra solidaire des efforts que les autres font de leur côté pour ôter la paille de leur jardin.

La correction fraternelle ne s'improvise pas.

 

Bien mal acquis ne profite jamais

 

Voilà un vrai proverbe. Pour bien le comprendre, il faut se rappeler que le premier mot est un nom commun : Un bien, une propriété, un objet. La rédaction sous forme de proverbe donne une concision à la formule et joue sur l'opposition bien et mal : "bien mal acquis..." veut tout simplement dire "un bien qui a été mal acquis, ne profite jamais à celui qui l'a acquis par un mauvais moyen". C'est du moins ce que les bonnes gens veulent croire pour se consoler de ne pas bénéficier des biens ou des richesses que de mauvaises actions permettent d'acquérir.
Le proverbe peut, en effet, être cité pour prophétiser l'échec du "voleur". Et à vrai dire, c'est souvent le cas. D'une part parce qu'il se fera sans doute prendre. Mais plus encore, lorsque l'on a volé, par exemple, comment faire usage au grand jour de ce que l'on a volé ? Comment être sûr que les autres, la police, ... ne vont pas comprendre l'origine du bien mal acquis ? Pour s'en protéger, il faut alors se méfier, s'entourer de précautions, de mensonges, déménager, ... Et quand bien même le voleur ne serait pas pris, que vaut la jouissance du bien mal acquis s'il faut le payer de tant de surveillances et de craintes ? Les honnêtes gens, quant à eux, jouissent tranquillement des biens qu'ils ont bien acquis et c'est leur joie de pouvoir le partager avec d'autres.
Le proverbe peut aussi sanctionner la condamnation du voleur qui s'est fait prendre. Car bien souvent, il devra payer plus cher la peine qu'il doit subir que l'effort honnête lui aurait coûté pour acquérir le bien en question. Bien mal acquis ne profite jamais.C'est bien vrai !

 

 

C'est au pied du mur que l'on voit le maçon

 

Je ne connais pas d'exception à ce proverbe si proche de l'expérience quotidienne et en particulier de la vie professionnelle. C'est au résultat que l'on voit le bon ouvrier. Lorsque le maçon est au pied du mur qu'il doit monter brique à brique, on attend de le voir à l'oeuvre. Autrement dit, il ne s'agit pas de se payer de mots ! C'est dans les actes que l'on voit si l'homme est capable ou s'il est seulement un beau parleur.
Un grand équipementier sportif a choisi comme slogan l'équivalent de ce proverbe : "Just do it" (Il n'y a plus qu'à le faire). Autrement dit, on te fournit le matériel (qu'on te fait payer), mais personne ne fera la course à ta place.

 

 

Ce sont tes affaires !

Ici, la personne est renvoyée à sa propre responsabilité. Il y a toujours un moment où c'est à chacun de prendre sa décision et de l'assumer. Les parents, les éducateurs doivent trouver le bon moment et surtout les bons lieux où le jeune doit prendre sa décision personnelle. Il faut en effet, que cela soit effectivement possible, sinon le désespoir guette celui qui est voué à l'échec devant une tâche insurmontable.

Mais l'expression n'est pas sans ambiguités. En effet, elle peut aussi couvrir une part de démission chez celui qui la prononce. Ce peut être un moyen peu glorieux de fuir devant une exigence de solidarité.

 

Chacun voit midi à sa porte

(A la demande de Fantine qui propose aussi un commentaire).

Ce proverbe contient toute la relativité du jugement que l'on pourrait émettre vis à vis d'autrui. Il signifie que l'histoire, le vécu, les intentions, les projets, la personnalité, de tout un chacun influent sur ses décisions, actes, pensées, paroles... Il n'y a pas qu'une seule vérité, il n'y a pas qu'une seule réalité et c'est à chacun d'agir en son âme et conscience.

Fantine


Il est vrai que ce proverbe peut laisser entendre que tous les points de vue sont relatifs à la position du sujet. C'est, d'ailleurs, toute la modernité que de tenir compte de l'influence du sujet dans l'expérience qui est en cours ou dans le discours qui est tenu : "D'où parlez-vous ?". Mais est-ce pour autant qu'il n'y a plus de vérité ?
En effet, ce qui change, ce n'est pas le fait qu'il est midi et que le soleil est au zénith. Ce qui change, c'est le point d'observation de la vérité et non la vérité elle-même. Voilà pourquoi, pour permettre de se comprendre, il importe de faire connaître aux interlocuteurs de quelle porte vous parlez de telle sorte qu'ils comprennent votre point de vue en essayant de se mettre, tant que faire se peut, à votre place.
A vrai dire, je ne suis pas d'accord lorsque Fantine nous dit "qu'il n'y a pas qu'une seule réalité". Il y a sûrement plusieurs manières de l'approcher, de la décrire, de la connaître, de la restituer mais nier l'unicité du réel, c'est nier tout dialogue et toute justice. C'est nier jusqu'à l'existence même du sens de la vérité. L'extrême de la position de Fantine, qui ne l'a sans doute pas envisagée sous cet angle, laisse entendre que l'on pourrait trouver des personnes qui justifieraient la Shoah, le viol des enfants, la flambée du Sida et que l'on serait obligé d'admettre leur point de vue sous prétexte que c'est le leur.
Il faut maintenir avec courage qu'il y a des repères universels qui s'imposent à tous ; qu'il y a des choses que l'on ne peut jamais faire ; qu'il y a du vrai et du faux ; de la justice et de l'injustice, du bien et du mal. Le relativisme absolu ne peut être une manière durable de conduire sa vie ni de voir le monde sous peine de tomber inexorablement dans l'anarchie et le régime de la loi du plus fort.
En revanche, je suis bien d'accord qu'il faut que chacun "agisse en son âme et conscience" si l'on entend la conscience comme ce goût pour le bien inscrit dans le coeur de tout homme et qu'il faut toujours faire ce que l'on croit être bien et éviter ce que l'on croit être mal.

 

Fantine nous répond :

Si vous me le permettez, j'aimerais y apporter quelques remarques.

"L'extrême de la position de Fantine, laisse entendre que l'on pourrait trouver des personnes qui justifieraient la Shoah, le viol des enfants, la flambée du Sida et que l'on serait obligé d'admettre leur point de vue sous prétexte que c'est le leur" :
Ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire, mais vous avez raison de préciser d'où vous parlez afin que certains ne déforment pas mes dires. Lorsque je dis qu'il n'y a pas de vérité unique, je pense d'un point de vue philosophique, mystique. Ainsi, toutes les religions, prônent la même chose, même si le chemin qu'elles engagent à prendre pour atteindre le Tout, Dieu, est différent dans sa forme, le fond reste le même.
De plus, en mon sens, cela signifie aussi, que nous n'avons pas les mêmes bagages, les mêmes repères, les mêmes codes, les mêmes normes et de ce fait, nous ne pouvons avoir le même point de vue, sauf, à un niveau ultime, quand la culture, l'identité, les croyances, les normes sont effacées au profit de l'esprit universel, au profit de Dieu.

"Il faut maintenir avec courage qu'il y a des repères universels qui s'imposent à tous ;" :
Les repères universels devraient s'imposer à tous, mais la vie moderne, l'absence de spiritualité, la perte des valeurs, font qu'il n'y a plus, en réalité, de repères du tout. Le seul repère que les êtres de l'occident connaissent, pour la plupart, sont leur plaisir et leur désir. Ils ne sont régis, ils ne sont agis, que par cela et c'est leurs pulsions qui leur servent de moteur.

"qu'il y a des choses que l'on ne peut jamais faire ;" :
Bien entendu. En dehors de toute culture et de toute morale, on ne récolte que ce que l'on sème (tient un autre dicton à rajouter) et lorsqu'on fait du bien autour de soi, c'est aussi à soi même qu'il est fait. Nous sommes le Tout, nous sommes création de Dieu au même titre que l'univers auquel nous appartenons et faire du bien dans l'univers, c'est aussi se faire du bien.

"qu'il y a du vrai et du faux ; de la justice et de l'injustice, du bien et du mal" :
Tout est relatif et ce qui est vrai pour l'un est faux pour l'autre. Étudiez le conflit qui oppose depuis plus de 50 ans la Palestine et Israël (vous parliez de la shoa), chaque partie est persuadée être dans son bon droit, et c'est ainsi que la faute est rejetée sur l'autre. Qui est dans le vrai qui est dans le faux ? Qui est dans le bien qui est dans le mal ? Le vrai serait la paix et le bien serait de cesser de faire la guerre et de respecter son prochain en le considérant comme son égal. Nous en sommes loin à l'heure actuelle ! Tant que nous restons dans des concepts de bien et de mal, nous ne pouvons que créer des ruptures, des oppositions. Les histoires diffèrent, les pensées, les croyances opposent. Il ne faut pas le nier. Et quand je dis que chacun voit midi à sa porte, je dis seulement que MM Arafat et Sharon pensent tous deux être dans le bon et dans le vrai. Ce n'est pas au niveau des hommes que l'on peut savoir où se trouve le vrai et le bon, c'est au niveau universel, au niveau cosmique, au niveau de Dieu. Nous ne sommes, nous humains, qu'un atome dans ce grand Tout de l'univers. Par nos concepts et croyances nous ne faisons que nous arrimer au sol, nous enfoncer dans l'illusion encore et encore. C'est en renonçant à l'idée du bien et du mal, du vrai et du faux que nous parviendrons à nous soustraire aux conflits et à transcender notre condition d'humain.

"Le relativisme absolu ne peut être une manière durable de conduire sa vie ni de voir le monde sous peine de tomber inexorablement dans l'anarchie et le régime de la loi du plus fort." :
Il est impossible de n'avoir qu'une seule morale, une seule façon de voir les choses, d'envisager la vie, d'un point de vue terre à terre. Voyez comment l'Occident, notamment les USA, entrevoient la liberté, à travers la consommation, la production, le capitalisme (cf. guerre en Afghanistan et en Irak) et voyez comment le peuple des pays arabes s'opposent à cela, parce que pour eux il n'y a de Dieu que Dieu et le Coran est une conduite de vie et le "dieu dollars" une perdition. Nous vivons actuellement sous la loi du plus fort. La société moderne des pays industrialisée est basée sur ce credo : une seule loi, celle du pétrodollar !
Il ne sert à rien de répéter ceci est bien et ceci est mal, quand ces mêmes exemples diffèrent en toute bonne conscience, d'un point de la planète à l'autre. Regardez, lors de la guerre en Irak : le peuple des USA était persuadé combattre pour la liberté (le gouvernement savait qu'il combattait pour le pétrole, mais ça c'est une autre histoire), et en Irak, des jeunes filles interrogées chez elles, disaient haut et fort "nous ne voulons pas de leur soit disant liberté qui est en fait un emprisonnement dans des moeurs bestiaux, telle que la dépravation sexuelle. Notre liberté, c'est notre foi, qu'ils nous la laissent, qu'ils ne nous en détournent pas, car leur façon de vivre et d'envisager la vie n'est pas la nôtre". Qui avait raison selon vous ? Où se trouvait le bien et où se trouvait le mal ?
Il est possible de n'avoir qu'une seule perception du monde, mais cela ne peut s'imposer, se dicter, ni s'instruire. Cela s'acquiert, se mérite, à travers un travail perpétuel sur soi, sur son égo, afin de le dépasser et d'aller au-delà de son petit moi mesquin. Notre société s'éloigne de plus en plus de ce type de travail de l'esprit, vous en conviendrez je pense. C'est un constat triste : nous sommes sous le régime de la loi du plus fort, et pourtant cela ne ressemble pas à de l'anarchie.

Cordialement.

Fantine
 

Voilà un moment intéressant entre Fantine et moi-même. Il est clair que nous ne sommes pas d'accord. Le constat de la pluralité des éthiques, des pratiques, des conflits durables... est très pertinent. Il faudrait être aveugle pour ne pas le faire. En revanche, cette diversité de repères et de façons de les hiérarchiser dit bien que personne ne peut vivre sans repère. La nécessité d'une loi est universelle même si toutes les cultures ne se sont pas données les mêmes. Il serait très grave si les hommes étaient incapables de se donner des repères communs minimum, s'ils étaient incapables de faire la distinction entre le bien et le mal, de faire droit au faible, au pauvre, à la veuve et à l'orphelin. N'oublions pas que l'existence d'une déclaration universelle des droits de l'homme révèle en creux une certaine vérité et dignité de l'homme à travers les atteintes qui peuvent lui être portées.
 

 

Charité bien ordonnée commence par soi-même

 

On entend parfois des commentaires désabusés de ce proverbe. Ainsi : "Si tout le monde commence par s'occuper de lui-même, il n'y aura plus personne pour s'occuper des autres".
En réalité, ce commentaire sarcastique, n'a pas saisi la pointe de ce proverbe plein de sagesse. De quoi s'agit-il ?
Ce proverbe signifie que la manière dont je m'occupe de moi n'est pas sans influence sur la manière dont je m'occupe des autres. On l'a déjà vu dans un autre proverbe : Médecin, soigne-toi toi-même. Mais ici, le terme de charité, qui est une autre façon de parler de l'amour, élargit le problème. Nous pourrions reformuler le proverbe sous forme de question : Comment aimer les autres si je ne m'aime pas moi-même ? Comment assurer les comptes d'une entreprise si je me perds dans les mien ? Comment conseiller la vie conjugale des autres si ma vie affective est une longue suite d'échecs ?
Dans la Bible on trouve cette sagesse toute simple lorsque Saint Paul conseille son ami Timothée pour le choix des futurs responsables des communautés chrétiennes : qu'il soit l'époux d'une seule femme; qu'il élève bien ses enfants; qu'il soit sobre. Comment, en effet, être responsable de la famille des chrétiens si l'on ne peut être responsable de soi-même et de sa propre famille ?
On fustige aussi parfois ce proverbe en l'accusant de cultiver l'égoïsme. Deux remarques s'imposent ici : S'aimer soi-même est une bonne chose. Combien de personnes souffrent de ne s'être jamais pardonné telle ou telle action. De plus, s'aimer ne veut pas dire s'adorer ou s'idolâtrer. Si je m'aime vraiment, alors cet amour doit me conduire à me sortir de moi-même car "il n'est pas bon que l'homme soit seul".
L'autre remarque porte sur la fin du proverbe : dire que charité bien ordonnée commence par soi-même, ne signifie pas qu'elle s'arrête à soi-même. Bien au contraire, si elle est bien ordonnée, elle doit me conduire au-delà de moi-même.

Mais il peut y avoir un usage excessif de ce proverbe. En effet, combien de personnes attendent d'être parfaitement à l'aise avec elle-même pour s'autoriser de s'ouvrir aux autres au risque de ne jamais y parvenir. S'aimer soi-même ne signifie pas se rendre parfait et fort pour pouvoir aider ensuite les autres. S'aimer soi-même consiste avant tout à avoir un peu d'humour sur soi et à s'accepter avec ses misères petites ou grandes. C'est d'ailleurs ces dernières qui nous donneront la discrétion et l'humilité nécessaires à tout exercice de la charité.

 

 

Chat échaudé craint l'eau froide.
 

Ce proverbe bien connu renvoie à une expérience familière. Il n'est pas facile de savoir si l'eau est bouillante ou froide sans s'en approcher, voire la toucher. Ainsi, si l'on s'est fait prendre une fois en touchant de l'eau trop chaude, on redoublera de prudence même à l'égard de l'eau froide, justement parce qu'on ne sait pas qu'elle est froide alors qu'elle aurait pu être chaude .
Le proverbe dénonce gentiment ceux qui sont trop prudents après avoir connu un échec.
Mais mieux vaut cet excès de prudence plutôt que d'être incapable de tenir compte de ses expériences passées et de ses échecs.

 

 

Chez nous, ça ne se fait pas !

Cette petite remarque - qui se distingue d'une autre bien connue : "Et si tout le monde faisait comme toi ?" - veut montrer qu'il existe des traditions locales, appartenant à un groupe, une famille ou collectivité. Le niveau est moins universel.

Ce niveau plus particulier est celui où sont manifestées les lois qui permettent au groupe de vivre. Il est très important de vérifier que ce niveau existe entre le niveau universel et le niveau singulier ou personnel (ce sont tes affaires). L'absence de ce niveau particulier ou l'incapacité de s'y référer engendrerait inévitablement du désordre social.

 

 

Et si tout le monde faisait comme toi ?

Bien connu dans la liste des propos familiaux, cette remarque qui fuse de la bouche des parents veut donner à l'enfant le critère de l'universalisation. Si tout le monde se mettait à mentir, à rejeter l'étranger, à jeter ses détritus n'importe où... la vie deviendrait intenable. Par ailleurs, cette remarque nous rappelle que chacun appartient à un grand ensemble universel qui s'appelle l'humanité. Se poser cette question, c'est se dire à soi-même que sa manière d'agir concerne l'ensemble des humains. Il faut donc du temps pour apprendre ce sens de l'universalité.

Il est toujours intéressant de vérifier si la règle que l'on se donne peut-être adoptée par tous. Kant l'avait bien compris. Mais cette intuition appartient à la sagesse des peuples depuis l'orrigine des temps. Jésus-Christ lui-même a une approche semblable dans ce qu'il est convenu d'appeler la règle d'or : "Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'on te fasse à toi-même."

 

 

Faute avouée est à moitié pardonnée

Voilà une expression très " familiale " qui permet l'éducation des enfants à la vérité. Il se joue derrière cette pédagogie des enjeux extrêmement complexes que la taille de notre chronique ne permet pas d'aborder à fond. En voici néanmoins quelques aspects. Nous supposerons que les personnes impliquées agissent avec une conscience droite.
Lorsque quelqu'un vient " avouer " spontanément sa faute, il manifeste qu'il reconnaît que sa faute en était bien une et par là reconnaît la valeur du système moral auquel il appartient et finalement qu'il soutient en reconnaissant son acte comme une faute. Pour la famille ou la société qui doivent gérer l'écart qui a été commis par rapport à la règle, c'est une bonne chose, car il n'y a pas de remise en cause de cette règle. Au contraire, elle est sollicitée pour une poursuite de la vie commune. C'est donc l'intérêt du groupe social que de promouvoir un tel adage.
En ce qui concerne l'autre moitié de l'expression " à moitié pardonnée ", il y a plus encore à dire. Le pardon peut-il être une demi-mesure ? Ou plutôt, l'adage ne mélange-t-il pas deux dimensions qu'il ne faut surtout pas confondre : le pardon et la justice, l'avenir commun retrouvé et la nécessaire réparation d'une injustice ? Trop souvent ces deux dimensions sont confondues et engendrent des conflits intérieurs, des ambiguïtés et parfois des perversions insurmontables. C'est en mettant au clair cette distinction que l'on peut alors admettre un vrai pardon qui ne peut être réalisé à moitié et une vraie justice qui exige la réparation, laquelle peut s'exprimer sous la forme de peine. Il ne peut y avoir d'appel au pardon pour couvrir l'injustice sous peine de pervertir le sens commun du bien, du vrai et du juste.
 

  

Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre

 

C'est bien connu, il n'est pas facile de communiquer avec une personne malentendante et encore plus avec une personne vraiment sourde. Perdre l'ouïe isole plus que perdre la vue. Et à considérer les différents handicaps, il est souvent moins pénible de perdre la vue que de perdre l'ouïe. Sans doute est-ce pour cela que ce proverbe concerne la surdité plus encore que la cécité. Le génie de notre langue aurait pu inventer "il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir", mais en lui préférant celui de notre titre, il manifeste combien la surdité est plus grave que la cécité.

De plus, il est plus aisé de faire semblant de ne pas entendre que de ne pas voir.

En effet, il faut considérer que ne pas entendre ne signifie pas seulement ne pas percevoir de son, mais aussi ne pas comprendre. Le français du 17° siècle utilisait le verbe entendre au sens de comprendre. Or la démarche de comprendre appartient uniquement à l'auditeur. Celui ou celle qui ne veut pas comprendre peut tout-à-fait jouer une comédie du refus de comprendre qui relève de la volonté bien plus que du handicap. Et rien n'est pire que celui qui refuse d'entendre car il refuse de jouer le jeu de la communication et de la vérité, socle fondamental de toute relation humaine.

 

Il n'y a pas de fumée sans feu

Les pompiers le savent et tout spécialement ceux qui observent les forêts pour les protéger des incendies. La première chose que l'on voit, c'est la fumée, symptome de l'incendie qui débute.
Le proverbe renvoie à l'expérience : toute nouveauté est la conséquence d'une cause. Ici la fumée provient d'un feu. Le proverbe a la force de la logique pour lui et il faut bien le dire, l'expérience commune lui donne raison.
Cependant, nous garderons un peu de prudence. En effet, s'il n'y a pas de fumée sans feu, les pervers et les méchantes personnes peuvent détourner le proverbe pour atteindre leur fin. On connaît l'adage machiavélique : calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. Et une fois qu'il reste quelque chose, rien n'est plus facile de présenter ce quelque chose comme la fumée d'un feu que l'on dira bien réel. Alors que dans ce cas, la fumée ne renvoie pas à un feu mais bien à un incendiaire qui se sert de la fumée pour se cacher.
C'est avec des proverbes comme celui-là que des personnes ont été conduites au suicide ne pouvant supporter les rumeurs injustes accompagnées de leur auto justification "il n'y a pas de fumée sans feu". Le proverbe agit alors comme la dernière étape avant le lynchage public.
Au fond, ce proverbe fonctionne bien dans le domaine des sciences physiques. Mais dans le domaine des hommes, on se gardera de l'employer sans une grande prudence.

 

 

Il n'y a que la vérité qui blesse

 

(A la demande d'une internaute).

Les formules en "Ne.... Que..." sont souvent risquées. Cet adage nous en fournit la preuve.
Nous savons tous qu'il n'y a pas que la vérité qui blesse. Il y a aussi les médisances et les calomnies qui relèvent de la catégorie du mensonge.
L'usage populaire de cet adage est souvent pervers. En effet, il est utilisé à l'envers. On déduit, souvent à tort, du fait que la personne a été blessée que ce qui l'a blessé était de l'ordre de la vérité. Pire encore on utilise l'adage pour voir ce qui peut blesser et en déduire les terrains de fragilités des personnes.
Dans la vie chrétienne, nous recevons de l'Evangile la belle parole du Christ : la vérité vous rendra libre. Au lieu de blesser, elle libère de nos enfermements lorsqu'elle met en lumière nos pauvretés et nos péchés. Ce n'est jamais agréable de voir son péché. Cela peut être fait par des âmes mal intentionnées. Cependant, lorsque c'est fait dans l'Esprit du Christ, alors notre péché ne nous est jamais révélé pour nous enfoncer mais toujours pour nous en sauver. Et si blessure il y a, alors c'est de l'ordre de la chirurgie qui ouvre une plaie pour soigner et guérir.
La vérité est du côté de la vie et il faut se garder d'isoler son usage de l'ensemble des valeurs humaines traditionnelles : patience, moment opportun, l'accompagnement des gens qui souffrent... Sur ce sujet on lira aussi le proverbe commenté : "Toute vérité n'est pas bonne à dire".

 

 

Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

A l'époque où les proverbes ont été élaborés par la sagesse populaire, chacun savait que tuer un ours était fort dangereux et redouté. Il n'existait pas d'arme à feu ce qui obligeait le chasseur à s'approcher de près de ce grand mammifère européen et donc de prendre des risques. Par ailleurs la force et l'habileté de cet animal faisait que l'on n'était jamais sûr de l'attraper.
Dans ces circonstances, vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué manifestait de la présomption chez le vendeur. Ainsi, combien, présumant de leurs propres forces et sous estimant l'habileté de l'ours, se sont vus contraints de rembourser sans parler de devoir subir en plus les railleries des autres.
Aujourd'hui, le proverbe est utilisé soit pour inciter à la prudence des personnes qui ont bâti des projets sur des événements qui n'ont pas encore eu lieu (voir la fable de Perrette et le pot au lait de Jean de la Fontaine), soit pour pour commenter l'échec d'un projet qui était fondé sur des éléments dont la personne n'avait pas totalement la maîtrise.
En d'autres termes, l'usage de ce proverbe a pour but de renvoyer les auditeurs à plus de respect du réel et à ne pas prendre leurs désirs pour des choses accomplies. Avec l'imaginaire, on peut aller sur la lune, dans la réalité, c'est tout autre chose. C'est le signe d'une vraie sagesse que de savoir bâtir des projets et de les mener à terme.

 

 

Jeu de mains, jeu de vilains

Voici encore un beau proverbe construit sur un rythme poétique et la sobriété qui sied à de telles expressions. Qui n'a jamais vu des enfants commencer à jouer avec leurs mains, se poussant, se chamaillant gentiment puis, le temps passant, se faire mal parce que les gestes n'étaient pas toujours maîtrisés. Surviennent alors des représailles mutuelles. Larmes et cris viennent alors conclure un jeu de mains innocent qui a évolué en un jeu de vilains.

Cette expérience commune propre à toute vie de famille et de cour d'école, nous rappelle que certains jeux peuvent dégénérer s'ils ne sont pas encadrés par des règles, tout spécialement s'ils utilisent le corps. Mais d'une manière plus large, ce proverbe nous invite à la prudence lorsque nous rentrons dans un système sans règle. Il faut beaucoup de vertus, de part et d'autre, pour ne pas faire dégénérer une relation qui ne contient pas en elle-même sa force de régulation.

 

L'argent ne fait pas le bonheur

 

Quoique bien connu, cet adage mérite d'être rappelé. Si la sagesse populaire a rapproché ces deux désirs du cœur de l'homme, ce n'est sans doute pas par hasard. L'un et l'autre sont l'objet du désir du cœur de l'homme mais l'expérience nous a appris que ces deux désirs n'étaient pas toujours compatibles.

Chacun sait que la soif d'argent mise au premier rang des préoccupations quotidiennes a détruit plus d'une vie familiale ou professionnelle.
Les chrétiens se souviennent de la parole exigeante du Christ : "vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois". Autrement dit, il s'agit de replacer l'argent pour ce qu'il est : un moyen utile (et précieux) pour les échanges économiques et la vie quotidienne. En termes plus croyant, de se souvenir que l'argent n'est qu'une créature et qu'à trop vouloir le servir, l'amasser, on devient idolâtre.


Mais pour autant, on se gardera d'être trop primaire à l'égard de l'argent. Ceux qui en manquent cruellement au point de vivre dans la misère savent combien l'effort de survie peut occuper tout le champ de la conscience.
Les chrétiens savent aussi que le Christ utilisait l'argent de son temps puisque le groupe des disciples avaient une bourse pour donner aux pauvres et qu'ils payaient des droits de péage pour entrer dans une ville.

En définitive il s'agit de ne pas confondre un moyen de vie quotidienne avec le but de l'éternité qu'est le bonheur ou la béatitude. Chacun sait que le bonheur ne peut s'acheter. L'usage de l'argent-moyen peut avoir son influence sur notre quête finale. Que l'on soit généreux ou égoïste, désintéressé ou avide est révélateur du sens de la vie qui nous habite. Les chrétiens savent que Jésus était libre à l'égard de l'argent : il rendait à César ce qui était à César et à Dieu ce qui était à Dieu.
Il n'est pas toujours facile de savoir quoi faire de son argent. Voici une petite grille toute simple : Ce que je compte acquérir avec ce moyen est-il nécessaire, utile ou futile ? Et si je pense être dans le futile, ne puis-je pas faire un don à ceux qui manquent du nécessaire ?

 

L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.


Ce proverbe laisse entendre que l'avenir, un avenir réussi s'entend, est plus facile à obtenir quand on se lève tôt que lorsque on se lève tard.
Quand, régulièrement, on se lève tôt, on dispose de plus de temps pour étudier, travailler, gagner sa vie,...
Ensuite, si on se lève tôt, c'est probablement que l'on s'est couché tôt. Cela manifeste une hygiène de vie, laquelle est propice à une bonne santé. Si l'on s'est couché tard, que l'on mène une vie trépidante et stressante, chacun comprendra que la santé risque de pâtir un jour ou l'autre.
Ce faisant, en se levant tôt, on a l'esprit clair et le travail est plus productif. C'est une question morale de savoir à quelles activités nous consacrons nos heures les plus lucides, celles où nos facultés de concentration et de production intellectuelle sont les plus efficaces. Ceux qui sont toujours entre deux eaux, deux vins, deux soirées ou deux avions ne vivent sans doute pas aussi bien que ceux qui ont une vie régulière.
Enfin, lorsque l'on se couche tôt pour se lever tôt, on ne dépense pas son argent pour des sorties couteuses. Ces "non-dépenses" permettent ainsi d'économiser pour des projets à plus long terme, et préparent l'avenir.

C'est sûr, l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt.

 

 

L'enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Cette expression très populaire signifie que pour avoir une vie moralement bonne, il ne suffit pas d'en avoir l'intention. Encore faut-il passer aux actes concrets. Ce proverbe pourrait encore s'appliquer à tous ceux qui se sont lancé dans l'action avec les meilleures intentions du monde mais sans préparation, sans faire l'effort de voir plus loin que le bout de leur nez, bref, sans penser aux conséquences de leurs actes. La morale invite alors chacun à faire l'effort d'élargir son point de vue. Ce n'est d'ailleurs pas facile. En effet, qui peut prétendre connaître la totalité des conséquences de son acte ? Personne.

Dès lors, agit moralement toute personne qui tente de réduire au maximum les incertitudes liées à ses actes et qui ensuite sait prendre une décision concrète et en assumer les conséquences.

Déjà, les chrétiens, et sans doute bien d'autres à leur époque avaient l'intuition de la nécessaire cohérence entre les intentions et les actes. Ainsi Saint Jacques n'hésite pas à fustiger les premiers chrétiens qui se contentaient de belles paroles. "La foi qui n'aurait pas d' œuvre est morte. (...) C'est par mes œuvres que je montrerai ma foi" (Jc 2, 17-18).

 

L'herbe du pré d'à-côté est toujours plus verte

 

Ce proverbe qui donne la parole à l'âne mis au pâturage est d'une grande sagesse. Il manifeste que l'on n'est jamais satisfait du pré dans lequel on a été envoyé paître. L'herbe du pré d'à-côté paraît toujours plus verte, plus appétissante, plus fraîche. Sans doute parce que l'on ne la connaît pas. Sans doute aussi parce que l'on se focalise sur les inconvénients que l'on a dans son propre pré et que l'on ne voit que les avantages de l'autre.
Or, si c'est peut-être vrai, l'âne a pu oublier qu'un pré ce n'est pas que de l'herbe, c'est aussi l'abreuvoir avec sa quantité d'eau et la fréquence de son renouvellement, c'est aussi l'arbre sous lequel il pourra se mettre lorsque les rayons du soleil se feront ardents en plein été, ce sont les autres qui ont été mis dans le même pré que lui...
Ainsi en est-il dans la vie quotidienne, On n'est jamais satisfait de la totalité des paramètres qui constituent notre vie. Au travail, on peut se plaindre de son salaire, de l'ambiance, d'un ou de plusieurs collègues, de la distance pour s'y rendre, des conditions de retraite, ... Dans un couple, on trouve toujours chez un autre ce que l'on ne trouve pas chez son conjoint : une forme d'intelligence, un style d'humour, une disponibilité, des valeurs, une santé, une belle-famille, ...
La maturité consiste à avoir compris que si l'on passait dans le pré d'à-côté, on perdrait des choses au profit d'autres. Ayant compris cela, on peut faire le deuil de ne pas avoir tous les avantages... et de ne pas apporter non plus que des avantages (chacun de nous a aussi des limites, personne n'est louis d'or pour tout le monde). Bien souvent, ceux qui ont beaucoup "bougé" s'aperçoivent "qu'au début, ce n'était pas si mal".
Sage est celui qui trouve son bonheur dans ce qu'il a.

 

La curiosité est un vilain défaut

 

Il y a curiosité et curiosité. Dire d'une personne ou d'un jeune qu'il a un esprit curieux c'est lui reconnaître une qualité plutôt qu'un défaut. En effet, la curiosité qui fait se poser les questions, les bonnes questions, est un atout pour comprendre notre monde et y évoluer avec de plus en plus de maîtrise. La curiosité est à la base de toute recherche et de tout progrès.

Au contraire de la curiosité "scientifique", il existe des curiosités malsaines. En effet, on peut aussi chercher à savoir des choses pour des motifs malhonnêtes, ou encore à propose d'événements qui n'appartiennent qu'à ceux qui les vivent, ou encore parce que notre maturité ne permet pas d'absorber un certain niveau d'information. Cette curiosité malsaine est à mettre en face d'une vertu nécessaire à la vie de toute société, la vertu de chasteté.

Cette dernière accepte de ne pas tout savoir de la vie des autres et laisse volontairement un espace de discrétion et d'ignorance qu'elle assume comme un espace de vie. Non, les gens n'ont pas besoin de tout savoir sur tout le monde.

Notre société moderne expose sans doute beaucoup plus qu'il n'est nécessaire la vie des gens, qu'ils soient célèbres ou non. Il y a là un jeu subtil et parfois pervers entre les exhibitionnistes et les voyeurs. Un peu plus de pudeur et de chasteté feraient du bien à tout le monde.

 

La faim fait sortir le loup du bois

 

Beaucoup de proverbes tournent autour de la question de la nourriture. Celui-ci tire sa substance de l'expérience bien connue des loups qui, en temps ordinaires, vivent à distance des hommes. Mais lorsque la nourriture vient à manquer, ils n'hésitent pas à quitter la sécurité du bois où ils ont leurs habitudes pour trouver ce dont ils ont besoin pour vivre auprès des maisons. Autrement dit, lorsque sa vie est en jeu, le loup est prêt à prendre des risques. Un risque proportionné à l'enjeu : sa survie !
Ce proverbe a un double usage dans le monde des hommes. Soit on se sert de la faim supposée de telle ou telle personne pour la faire sortir de l'anonymat de la foule. Ainsi, on l'affame, on attise sa curiosité et ses désirs de telle sorte qu'en face de "l'objet" convoité elle perde toute prudence et se montre au grand jour. Soit on découvre ce qui était l'objet du désir ce cette personne en voyant celle-ci prendre des risques qu'on ne lui connaissait pas.
De manière plus personnelle, il est intéressant de voir quel est le poids de nos faims et de nos désirs à travers les risques qu'ils nous font prendre.
D'une certaine manière, nous pourrions dire que la faim et les désirs sont de puissants moteurs de l'action ou encore que nos actions révèlent parfois les désirs et les faims qui nous habitent.

 

 

La fin ne justifie pas les moyens.

 

Ce proverbe signifie que parvenir à une bonne fin ne justifie pas tous les moyens. Un moyen peut se décrire par la bonté intrinsèque qu'il met en œuvre mais aussi par la dimension proportionnée qu'il entretient avec la fin qui est visée. Le lecteur comprendra aisément que, ordinairement, il n'est pas nécessaire de prendre sa voiture pour se rendre à son travail qui se trouve à 50 mètres de chez soi (disproportion du moyen). On ne peut accepter non plus que quelqu'un grille un feu rouge pour arriver à l'heure au cinéma (mauvais moyen).

On sait que Machiavel avait déployé une théorie politique qui s'appuyait sur le fait justement que la fin justifiait les moyens. Ce "machiavélisme", ainsi caricaturé, n'est pas acceptable tant au niveau politique que personnel. Il bafoue ce qui fonde la stabilité des relations humaines : la vérité. Il engendre le soupçon permanent et conduit à des systèmes politiques qui relèvent de la dictature et qui sont incompatibles avec la démocratie. En l'occurrence, le propre d'une démocratie est de tenir en son sein une instance indépendante chargée d'analyser et de critiquer les dérives du pouvoir.

La question de la torture comme moyen pour obtenir des informations afin de sauver des vies humaines est un cas très douloureux qui a mobilisé de longue date la réflexion des moralistes. Généralement, la torture est condamnée comme moyen parce qu'elle réduit la victime à un simple contenu d'informations, qu'elle avilit le tortionnaire qui fait souffrir son semblable, et parce qu'on n'est jamais sûr que l'information délivrée est une véritable information. Enfin, vouloir comparer la vie et la santé d'un homme à celles dont on pense pouvoir sauver la vie au dépend de celle-ci est une lubie. Comparer les vies humaines par leur qualité, leur nombre, leur âge, ... c'est entrer sur la dangereuse voie de la sélection humaine et de l'eugénisme.

 

 

La paresse est la mère de tous les vices

 

La paresse ou l'oisiveté consiste en l'expérience d'une lourdeur et d'une force d'inertie dans le cœur de l'homme telles que ne rien faire lui paraît préférable à toute action positive. Le goût pour agir ou servir disparaît au profit d'un certain égocentrisme et d'une pesanteur spirituelle. Cette expérience de la paresse qui est le dégoût de l'action vient souvent à l'heure de midi. Cette heure où l'on a l'impression que le soleil ne bouge plus, que le temps s'est arrêté, donne l'impression que l'on a tout le temps de faire ce que l'on a à faire contrairement au soir et au matin qui donnent l'impression de voir le soleil bouger beaucoup plus vite et que le temps va nous manquer. D'une manière un peu caricaturale la sagesse populaire a gardé cette impression que c'est à l'heure ou le soleil est à son zénith que survient le "démon de midi".

Dans cette situation, le paresseux est livré à l'écoute de son corps et des divagations non maîtrisées de son esprit. C'est alors que les pulsions du corps liées à la nourriture et à la sexualité (gourmandise et luxure) peuvent emporter le sujet. A la lourdeur spirituelle s'ajoutent alors la lourdeur des kilogrammes. 

Mais l'esprit peut se laisser aller dans des imaginations de tous ordres (l'imaginaire est tout puissant) comme la reconstruction de son univers de vie déconnecté du réel et de la vie concrète des gens. On peut alors imaginer les autres bien différents et souvent bien pire que ce qu'ils sont (médisance) ou encore construire toutes les justifications possibles pour justifier sa paresse (mauvaise foi). On peut retrouver ici le proverbe commenté : Le paresseux dit qu'il y a un lion sur la route.

Ainsi donc, on le voit bien, la paresse est le contexte où tous les vices vont pouvoir trouver à s'exprimer ou à se développer. Le paresseux perd son temps.

 

La raison du plus fort est toujours la meilleure


(A la demande d'une internaute)


Cette maxime, tirée de la morale de la fable " Le loup et l'agneau " de Jean de la Fontaine doit être entendue avec beaucoup de prudence. Elle est plus un constat désabusé et amer qu'une sagesse. Ici la force est articulée au meilleur, qui est un superlatif du bien. Or n'est-ce pas confondre encore le moyen et la fin ? La valeur d'un acte ne dépend pas seulement du moyen utilisé, fut-il puissant mais aussi de l'intention de l'auteur et de la fin effectivement atteinte. Tous les proverbes et adages qui confondent ces trois dimensions de l'acte sont déshumanisants.
Ce qui est douloureux dans cette expression est que le travail de la raison et la quête de vérité qui lui est souvent associée se trouvent emportés non par une raison plus forte mais par la force physique qui peut contraindre par delà toute vérité et toute justice. Ce constat que beaucoup de " petites gens " ont fait dans leur vie faute de posséder la force de l'argent, la connaissance des rouages de la justice et des relations bien placées est plus que réel. Cette maxime pourrait bien nourrir l'idéologie de tous les utilitaristes de notre époque
Cependant, il ne faut pas oublier que celui qui vivrait selon ce principe risque toujours, du moins dans les pays démocratiques, de tomber sur quelqu'un qui saura appliquer la force du droit que la justice ne réserve pas seulement aux puissants. De plus ce type de fonctionnement ne tient pas dans la durée et oblige l'auteur à un nomadisme social. En effet, lorsque l'on a trompé ou usé de force au-delà de toute raison, on a peut-être gagné une partie mais il faut souvent se faire oublier sous peine de prendre un retour de bâton.
Les commerçants savent bien que leur habileté à vanter leurs marchandises pourrait leur faire vendre n'importe quoi ou presque. Mais ils ne vendraient pas deux fois au même client. En revanche, ceux qui auront donné la primauté à la qualité des informations, à un vrai travail de la raison sur de bons produits auront toutes les chances non seulement de conserver leur clientèle mais de l'accroître. Ceci manifeste donc, qu'à long terme, la raison du plus fort est rarement la meilleure !

 

Le jeu n'en vaut pas la chandelle.

 

Ce proverbe signifie qu'à l'époque où il n'y avait pas d'électricité et où l'on ne pouvait jouer qu'à la lumière d'une chandelle, les moyens (la chandelle) à fournir pour obtenir la fin (le jeu entre amis, voire l'enjeu d'un jeu d'argent) sont disproportionnés. En l'occurrence, la chandelle serait d'un prix trop élevé pour obtenir l'enjeu en question.

Autrement dit, ce proverbe nous renvoie à la notion de proportion entre les moyens que je mets en œuvre et le résultat ou la fin que je veux obtenir. Deux critères majeurs devraient nous empêcher de passer à l'acte : La disproportion entre le moyen et la fin (écraser une mouche avec une bombe atomique) ou utiliser un mauvais moyen pour obtenir une bonne fin (torturer quelqu'un pour sauver des gens).

 

Le mieux est l’ennemi du bien.

 

Ce proverbe bien connu gagne à être médité en profondeur. En effet, le mieux paraît l’objectif à atteindre et pourquoi se refuserait-on le mieux en quelque domaine que ce soit : ordinateur, voiture, confort de la maison, vie relationnelle, présentation d’un plat cuisiné, rédaction d’un rapport, présentation sophistiquée sur grand écran, vie de couple, santé, intelligence des enfants… Or la quête du mieux au dépend du bien qui est déjà satisfaisant engendre souvent trois inconvénients.
Le premier consiste à devoir investir énormément pour améliorer d’un pour cent supplémentaire ce qui était déjà bien. C’est-à-dire que les moyens pour obtenir une petite progression supplémentaire sont disproportionnés par rapport à l’objectif. Le jeu en valait-il donc la chandelle ?
Le second inconvénient est plus fondamental. La quête obsédante du mieux doit nous poser la question de notre rapport au manque, à l’imperfection, à nos limites financières, intellectuelles, … Celui ou celle qui cherche sans cesse le mieux est souvent condamné à la tristesse et à être invivable pour ses proches puisque cette personne n'est jamais satisfaite. Certes, il ne faut pas prendre prétexte de cette remarque pour ne pas améliorer ce qui peut et doit l’être. C’est aux vertus de prudence et de courage qu’il faut confier le soin de savoir si l’on est allé trop loin ou s’il faut poursuivre l’effort. Savoir se contenter de ce que l’on a est souvent le début de la sagesse et du bonheur.
Enfin, si le mieux et l’ennemi du bien, c’est que, très concrètement, en voulant aller au mieux, au plus près du possible, on risque d’aller au-delà de la limite et de détruire ce que l’on avait mis tant de temps à bâtir. Ainsi, repositionner une carte dans un château de cartes qui tenait debout malgré une architecture de guingois risque de le faire s’écrouler.
Pablo Picasso disait : « Une peinture n’est jamais finie. Mais un jour, on décide de l’arrêter ».

 

Le paresseux dit qu'il y a un lion sur la route

 

Ce proverbe est tiré de la Bible. Il signifie que lorsque l'on n'a pas envie de travailler, ce qui est le propre du paresseux, on invente des dangers qui nous obligent à ne pas bouger pour motif de prudence. Les apparences sont alors sauves.
A l'époque où le travail principal était agricole, il fallait sortir de chez soi pour se rendre aux champs. C'est donc sur la route que l'on trouvait un obstacle insurmontable : un lion.
Aujourd'hui, Il existe d'autres lions pour justifier la paresse : le verglas lorsque le temps est limite (Qu'est-ce qui peut valoir le risque d'un accident ?) ; une fatigue accumulée qui nous rendrait moins productif (qui oserait mettre les autres en danger par des fautes de vigilance ?) ; ...
La personne courageuse, quant à elle, ne s'écoute pas trop et affronte ses propres limites avec persévérance sans baisser les bras.

 

Le vieillard se chauffe avec le bois ramassé dans sa jeunesse

 

Ce proverbe tiré de la culture d'amis africains attire notre attention sur le rapport que nous entretenons avec notre avenir et notre passé.

Lorsque le poids des ans se fait sentir, on n'a plus forcément la force d'aller ramasser du bois pour se chauffer. On puise donc dans les réserves amassées préalablement. Ces réserves dépendent de l'usage des forces que l'on avait dans notre jeunesse. A-t-on été prévoyant ou insouciant ? La fable de la cigale et de la fourmi de Jean de la Fontaine dit exactement cela.

Sur un plan plus symbolique, le proverbe nous rappelle que les comportements de notre jeunesse auront une influence sur nos vieux jours et la manière de les vivre.

C'est l'orgueil de la jeunesse que "d'oublier" qu'un jour elle vieillira et qu'il est prudent d'en tenir compte. Il y a des manières de "profiter de sa jeunesse" qui oblitèrent la poursuite de sa vie que ce soit sur le plan affectif ou professionnel.

 

Les bons comptes font les bons amis.

 

(A la demande d'une internaute).

Voila un vrai proverbe. La brièveté de la formule et la répétition du terme « bon » dans les deux parties confèrent à l’expression la qualité même d’un proverbe.
Au sens littéral, nous comprenons vite que les bons comptes renvoient au fait qu’il n’y a pas de dette entre les amis ou encore qu’il n’y a pas eu tromperie dans des échanges commerciaux. A quelle condition l’amitié et l’argent peuvent-ils faire bon ménage ? Telle est la question que le proverbe nous pose.
L’expression proverbiale suggère deux choses : d’une part que de mauvais comptes sont capables de briser une amitié. On ne peut invoquer durablement l’amitié pour couvrir l’injustice. Les meilleurs amis du monde ne le resteront pas longtemps si l’un des deux met l’autre dans l’injustice et l’embarras. D’autre part, on peut aussi comprendre que la formule bien comprise agit à rebours : c’est parce que l’on est amis que l’on sera particulièrement vigilant à avoir de bons comptes. L’amitié s’en trouvera alors renforcée. Se vérifiera alors l’expression que « les bons comptes font les bons amis ».
 

 

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Ce proverbe est bien connu des moralistes. Il manifeste la distance inévitable qui existe entre la personne qui donne un avis ou un conseil et celle qui va décider et subir les conséquences concrètes de sa décision. En définitive, chacun reste seul en face de sa décision. C'est pourquoi, les moralistes sont invités à une grande prudence lorsqu'ils sont consultés.

Le Christ lui-même avait bien conscience de cet écart. Il n'hésita pas à reprocher aux pharisiens de lier de pesants fardeaux sur les épaules des gens et de ne pas vouloir les aider du petit doigt. Par là, les moralistes doivent comprendre que leurs paroles ont des conséquences et qu'ils sont invités à être aussi responsables de leurs paroles ! (Mt 23, 4). 

 

 Les petits ruisseaux font les grandes rivières.

 

Ce proverbe part d'une observation que chacun peut faire. Les rivières et les fleuves ne sortent pas de terre aussi imposants qu'on les connaît lorsqu'ils arrivent à la mer. C'est la conjonction de sources et de quantités de ruisseaux qui, se jetant dans la rivière lui permet de devenir plus grande, de prendre la dimension d'un fleuve.
Avec un peu de recul, ce proverbe nous rappelle que les grandes choses de la vie ont commencé par des petits événements, modestes que l'on a su articuler entre eux. Chaque jour qui passe n'est peut-être pas glorieux mais mis bout à bout ils ont permis de réaliser un ouvrage qui a de l'ampleur. Ainsi, celui qui fait un puzzle de 1000 pièces ne fait pas un geste plus difficile en posant la dernière pièce qu'en associant les deux premières.
Ce proverbe est souvent utilisé dans le monde de la finance ou des entreprises. Les petits bénéfices réguliers et nombreux font les grandes fortunes.
Autrement dit, le proverbe des petits ruisseaux nous invite à ne pas dénigrer les petites choses de la vie. Sans elles, rien de grand ne serait fait. D'où l'importance de se souvenir que les grandes œuvres ne sont que la partie émergée d'un iceberg qui flotte sur le travail discret d'une multitude de "petites mains". Bienheureux ceux qui ont des yeux pour voir au-delà de ce qui brille.

 

 

Médecin, soigne-toi toi-même.


Ce proverbe qui nous est connu depuis la rédaction des Evangiles convoque celui à qui il est adressé á vivre en cohérence avec lui-même. Ici, le médecin, pour montrer qu'il est un bon médecin, doit en faire la preuve sur lui-même. S'il n'arrive pas à se soigner lui-même, comment arrivera-t-il à soigner les autres ? On le comprend d'autant mieux quand on sait que soigner consiste souvent à donner des potions ou des drogues comme on disait dans l'ancien temps. En les utilisant sur lui, il montre que ses potions ne sont pas dangereuses mais en plus qu'elles guérissent.
Par extension, ce proverbe nous rappelle que l'on est d'autant plus crédible que l'on est compétent dans le domaine où l'on prétend donner des conseils et que l'on met en pratique pour soi-même ce que l'on dit pour les autres.

 

 Mieux vaut tard que jamais

 

Ce proverbe est souvent cité à titre de consolation. Telle prestation promise qui finit par être fournie, tel pardon qui est enfin accordé, tel prêt que l'on espérait depuis longtemps, ... notre vie est remplie d'événements dont il eut été préférable qu'ils surviennent plus tôt mais qui surviennent tout de même.

Ce proverbe est un marqueur d'une des caractéristiques de la vie humaine : à tort ou à raison, les choses ne se font pas aussi vite que nous le voudrions. Il s'agit, en fait, de regarder plutôt la vie qui gagne que les désagréments que le retard a pu occasionner, de se tourner vers l'avenir plutôt que de regretter un passé que l'on ne pourra jamais changer.

Au fond, c'est un proverbe optimiste.

Ne pas avoir les deux pieds dans le même sabot

 

(A la demande d'une internaute).

Dire que quelqu'un n'a pas les deux pieds dans le même sabot (la chaussure en bois des pauvres gens) c'est affirmer qu'il est plutôt dégourdi ou encore qu'il est agile avec ses membres. De façon plus imagée, cela signifie qu'il a l'esprit délié, imaginatif et créatif.
Pour bien le comprendre, il suffit d'imaginer une personne qui aurait les deux pieds dans la même chaussure. Elle n'irait pas loin avant de tomber.
Outre le bon sens qui se déploie dans le proverbe, il est heureux qu'il insiste sur le côté positif de ce qui est observé. Il est préférable de dire de quelqu'un qu'il n'a pas les deux, pieds dans le même sabot, c'est lui faire un compliment, que d'affirmer qu'il a les deux pieds dans le même sabot, ce serait alors pointer sa faiblesse et dire qu'il est "coincé" ou maladroit.

 

 

Nul grand homme pour son valet

 

A l'époque où les grands hommes de ce monde cumulaient richesses et responsabilités, ils avaient des valets de chambre. Fréquentant l'intimité de leur maître, les valets avaient accès à la face caché de leur vie avec son lot de misères et de faiblesses. Ce " grand homme " public redevenait comme tout le monde dans la vie privée. C'est sagesse que de se souvenir que face aux grandes questions de la vie (mort, souffrance, maladie, conjugalité, éducation des enfants, …), nous sommes tous logés à la même enseigne.
Cette égalité des êtres humains est fondamentale. Pourtant, cette remarque populaire procède de la même attitude que celle qui consiste à s'attarder sur les apparences, qu'elles soient publiques ou privées. Même en privé, on peut encore jouer un rôle. Enfin, elle joue l'égalité par le bas. Antoine de Saint-Exupéry voyait plus loin en faisant dire au renard que " l'essentiel était invisible "
La foi chrétienne, a appris du Christ qu'il ne fallait pas s'arrêter aux apparences qu'elles soient publiques ou privées : " tu ne regardes pas au rang des personnes" Mt 22, 16. En fait, dans le cœur de Dieu, chacun est grand et d'un prix infini : " Tu as du prix à mes yeux". Le Christ a choisi de se faire le serviteur de tous. Cela nous invite alors à accepter que chacun soit supérieur à nous-mêmes. Cf. Ph 2.

 

On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

 

(A la demande d'un internaute).

Ce proverbe veut dire qu’il y a toujours un prix à payer pour obtenir quelque chose. Mais ce serait faire une analyse trop courte que d’arrêter notre commentaire à ce point.
Ce prix contient, en fait, une dimension dramatique, voire tragique : il s’agit d’un prix douloureux pour obtenir les choses que l’ont veut. Or non seulement la nature sapientielle du proverbe induit que ce prix douloureux est nécessaire, mais en plus qu’il est légitime et acceptable.
Ce proverbe est particulièrement cité dans la mentalité utilitariste de notre temps qui accepte volontiers que le prix à payer pour maximiser les profits pour le plus grand nombre soit l’appauvrissement de quelques uns. La richesse obtenue (l’omelette pour les riches) se fait sur le dos brisé de quelques uns (la coquille des pauvres). Autrement dit, ce proverbe laisse entendre que pour obtenir des choses, il est légitime de faire payer d’autres à notre place. (Cf. les deux brigands qui veulent tuer Tintin dans « l’oreille cassée »). Ce serait alors un usage abusif et inadmissible de ce proverbe.
Plus intéressant est le proverbe ainsi libellé : « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ». Ce second proverbe renvoie au principe de réalité qui veut que les choses et les services ont en général en coût pour la personne qui veut les obtenir. Un coût qui n’est pas à faire supporter par d’autres.

 

 

Petit à petit l'oiseau fait son nid

 

Ce proverbe invite celui à qui il est adressé à prendre son temps pour faire les choses et à ne pas s'inquiéter, outre mesure, du temps qu'il faut pour réaliser un projet. D'autres proverbes évoquent la même réalité : "Paris ne s'est pas fait en un jour" ; "Goutte à goutte l'oued fait son lit" peut-on entendre de l'autre côté de la Méditérannée. L'autre proverbe : "les petits ruisseaux font les grandes rivières" travaille la même idée mais en insistant plus sur le contraste petit-grand.

Ici, l'accent porte plutôt sur le temps qui est l'allié de toutes nos réalisations. Le proverbe invite à la patience et plus encore à la persévérance pour atteindre nos objectifs. Sans être un disciple de Jean-Jacques Rousseau, la nature peut ici nous servir de bon maître.

 

Pierre qui roule n'amasse pas mousse

 

Ce proverbe se fonde sur un constat de la nature. Une pierre qui roule (un galet dans une rivière, un caillou qui dévale une montagne, ...) est toujours un galet sans mousse. Seules les pierres immobiles, dont une des faces est constamment exposée au vent dominant humide, finissent par se recouvrir de mousse. Ici, ce sont le temps et la stabilité qui sont les conditions de possibilité du développement de la mousse.
Citer ce proverbe est une manière de dénoncer ceux qui brassent de l'air, bougent tout le temps ou qui sont affairés sans rien faire. Ceux-là ne produisent pas grand chose, sinon du vent et de l'agitation. Seuls ceux qui prennent le temps de demeurer un certain temps sur une place peuvent en profiter et amasser de la mousse c'est-à-dire s'enrichir vraiment de leur environnement. Sont ainsi mises en valeurs deux vertus fondamentales dans la vie humaine : la patience et la constance.

 

Poussière aux pieds vaut mieux que poussière au derrière

(à la demande d' un internaute)

Ce proverbe d'origine africaine veut montrer que la localisation de la poussière sur le corps humain est révélatrice des activités de cet homme. Dans des latitudes où la poussière est chose commune dans les maisons ou sur les routes, avoir de la poussière au derrière montre que l'on est resté assis toute la journée; avoir de la poussière sur les pieds montre que l'on est allé travailler.

De tout temps, les cultures ont dénigré la paresse et fait l'éloge du travail.

 

Quand le chat est parti les souris dansent


Ce proverbe laisse entendre que lorsque les motifs de la crainte d'une sanction ont disparu (le chat), alors on peut faire ce que l'on veut (danser pour les souris). En effet, lorsqu'un chat est à la maison, les souris ne sortent pas n'importe quand ni n'importe comment. D'une manière plus générale, on peut comprendre que la présence d'une autorité avec un fort pouvoir de sanction est la clef de voûte d'une certaine stabilité sociale et que son absence engendre l'anarchie. L'interprétation générale de ce proverbe est d'affirmer la nécessité de la présence d'une forte autorité pour qu'il y ait une paix sociale.

Nous pourrions aussi examiner la danse des souris, non pas comme une régression vers l'anarchie, mais parfois comme une certaine transgression d'un ordre établi (Cf. les carnavals) quitte à y revenir dès le retour (souhaité) du chat. Toutes les institutions savent combien il importe " d'organiser " ce genre de danse des souris. Cela fait partie des respirations nécessaires de tout groupe social.

Enfin, nous pourrions aussi nous poser la question au plan individuel et non pas collectif. Finalement, comment est-ce que je me tiens lorsque je suis confronté à ma seule responsabilité ? Est-ce que je fais n'importe quoi ? Ou bien suis-je capable d'avoir " une ligne de conduite ". Il est alors intéressant de faire l'expérience du départ du chat pour repérer ce à quoi je tiens vraiment dans ma manière de vivre, ce qui me tient et ce qui me structure.

Il y a plusieurs évangiles qui évoquent l'attitude du serviteur lorsque le maître est parti. Celui qui sera trouvé fidèle à sa tâche est valorisé de plusieurs manières différentes :
- Le maître l'établira sur tous ses biens (Mt 24, 47)
- Il entre dans la joie de son Seigneur (Mt 25, 21)
- Heureux ces serviteurs que le maître en arrivant trouvera en train de veiller ! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l'un à l'autre, il les servira.(Lc 12, 37)

 

 

Qui aime bien, châtie bien.


(A la demande d'un internaute)
 

Que voilà une redoutable expression qui associe dans un même mouvement l'amour et le châtiment, la tendresse et la violence. Elle se comprend généralement dans le cadre éducatif d'une relation parents-enfants.
Ce proverbe manifeste tout d'abord qu'il n'y a pas d'amour authentique sans un rapport à la loi. En effet, il ne peut y avoir de " châtiment " s'il n'y a pas eu de transgression à l'égard d'une règle connue des deux parties. Et c'est assez juste que de dire cela. L'amour a ses exigences et ne peut tout couvrir sous peine de se dévaloriser. L'amour authentique, celui qui veut la vie de l'autre pour lui-même ne peut pas accepter de bon cœur que l'être aimé se détruise. Et lorsqu'il a charge d'éducation, il est parfois nécessaire d'user de " punition " pour faire comprendre par le déplaisir ce qu'aux âges les plus jeunes on ne peut comprendre autrement. Les théories sur le développement moral de la personne (Piaget, Kohlberg), montrent à l'envie qu'il existe justement un développement moral de l'enfant et qu'il est pertinent de ne pas user d'arguments et d'attitudes qui ne soient en rapport avec l'âge de cet enfant. Les " châtiments ", pour reprendre le vocabulaire du proverbe, sont nécessaires. Evitons donc, sur ce sujet toute démagogie facile. Il faut aussi faire évoluer ses pratiques éducatives en fonction de l'évolution de cet enfant. C'est là un art véritable.
Ceci dit, qu'est-ce donc qu'un châtiment, et plus encore que bien châtier ? C'est, semble-t-il, dans les synonymes de bien que nous allons trouver la solution à notre question. Il ne s'agit pas tant de châtier beaucoup ou volontiers, que de châtier de manière proportionnée et ajustée au bien de l'enfant. Cet art s'apprend sur le terrain et il n'est pas aisé de savoir si l'on a été trop sévère ou pas assez. Le pire dans une charge éducative, serait de croire qu'il ne doit jamais y avoir de sanction. En effet, la sanction (bonne ou mauvaise), contribue éminemment à l'intégration du sens symbolique de la loi. Sans loi l'homme ne se structure pas, devient irresponsable pour lui-même et les autres et ne peut alors mener de projet à bien.
Loin de nous, cependant l'idée de faire l'apologie des châtiments corporels. Ces deux mots sont tellement associés dans l'imaginaire collectif. S'il s'agit de servir le bien de l'enfant, il n'est donc pas nécessaire de l'abîmer par les coups comme on l'a fait à d'autres époques. Un bon éducateur saura néanmoins trouver la sanction juste et proportionnée dans la culture qui est la nôtre de telle sorte que petit à petit, la personne en croissance intègre qu'il y a des chemins de morts et de chemin de vie et que tout ne se vaut pas. " Choisis la vie !" dit Dieu dans le livre d'Isaïe.

 

Qui fait l'ange fait la bête.


Voila un proverbe dont le ressort repose autant sur son rythme, sa brièveté que sur le contraste des termes. Traditionnellement l'ange est du côté du bien et la bête symbolise le diable qui se cache parfois sous le déguisement trompeur d'un personnage séduisant, d'un ange de lumière.
La première interprétation consiste à dire que la sagesse de ce proverbe réside dans la dénonciation d'attitudes tellement bienveillantes qu'elles en deviennent aveugles sur les ambiguïtés de ce monde. Or ne pas les voir, c'est, au fond, les favoriser et leur laisser toute la place. Faire l'ange est ici faire le jeu de la bête.
La seconde approche est plus radicale. En utilisant le proverbe pour décrire l'attitude de tel ou tel, on veut dénoncer un fourbe qui a voulu prendre une apparence trop belle pour être vraie. Le loup, pour entrer dans la bergerie prend toujours l'apparence de l'agneau.
En définitive, l'usage du proverbe a pour but de rappeler que le réel est toujours marqué de limites et d'ambiguïtés . C'est un avantage de les connaître, une imprudence de les ignorer, une erreur de ne jamais vouloir en tenir compte.

 

Qui paye ses dettes s'enrichit.

 

Ce proverbe semble contradictoire. En effet, lorsque l'on paye ses dettes, on perd de l'argent immédiatement disponible et à cet égard, on est moins riche.
En réalité, ce n'est pas tout à fait exact. Avoir des dettes coûte de l'argent. Cela coûte les intérêts. Les personnes endettées le savent bien. Aussi, lorsque l'on rembourse ses dettes, on n'a plus à payer les intérêts et c'est de leur somme que l'on s'enrichit ensuite.
De plus, n'est-ce pas parce que l'on s'est enrichi que l'on peut payer ses dettes ?


 

Qui trop embrasse, mal étreint

 

Il ne faut pas trop vite voir dans ce proverbe une question sexuelle. Avant de signifier "donner un baiser", embrasser indique simplement tenir des objets dans ses bras. Puis dans un second temps, tenir une personne entre ses bras. Enfin, on a gardé dans le verbe d'embrasser l'image de l'acte qui se déroule souvent lorsque l'on se tient dans les bras l'un de l'autre : on se donne des baisers.
En fait, ce proverbe signifie littéralement que lorsque l'on met trop de choses dans ses bras, on les tient moins bien, on les étreint moins bien et on risque de les faire tomber. On use de ce proverbe pour mieux faire comprendre qu'il est plus prudent de faire moins de choses pour mieux les faire. La valeur sous-jacente est que peu de choses bien faites sont plus importantes que beaucoup mal faites. En vérité, qui trop embrasse finit par ne rien étreindre et à brasser du vent.
Néanmoins, s'il fallait en venir aux connotations psycho-affectives que la culture française permet autour des verbes embrasser et étreindre, il est possible de dire qu'il fonctionne aussi sur le terrain de l'affectivité et dans le même sens. Ainsi beaucoup de jeunes s'aperçoivent après coup que ce n'est pas le nombre de partenaires qui importe mais la qualité de la relation que l'on construit patiemment, petit à petit. Ceux qui "embrassent" trop font du surplace dans leur vie affective et finissent par se retrouver seuls.
Pour conclure, le proverbe invite donc à faire le deuil de tout tenir, de tout posséder au profit d'actions limitées mais porteuses d'avenir parce que mieux assurées. Le bonheur n'est pas tant dans la saturation des désirs (ce qui s'avère vite impossible) que dans la capacité à choisir un chemin (et donc à renoncer à tous les autres). Le bonheur est toujours courageux.

 

Qui veut aller loin ménage sa monture

 

Ce proverbe nous ramène à l’époque où l’on voyageait à cheval. C’est par le procédé de la métonymie que l’on assimile la monture au cheval. On monte à cheval.
Comme tout être vivant, le cheval a besoin de repos, de nourriture. Celui qui veut aller loin doit donc respecter la santé de son cheval sous peine de le perdre en route et de ne pas aller aussi loin qu’il l’aurait voulu.
Ainsi donc, pour mener à bien nos projets, il convient de nous respecter nous-mêmes, nous qui sommes notre propre monture. Une vie équilibrée par une nourriture saine et un rythme de vie adéquat sont des éléments de base pour réussir n’importe quelle entreprise de longue haleine.
Par extension, ce proverbe signifie que lorsque l’on a un projet, rien ne sert d’aller trop vite. C’est la volonté d’atteindre l’objectif qui engendre une gestion prudente des ressources nécessaires pour y parvenir. La patience et l’économie sont les vertus de ceux qui ont des projets qui leur tiennent à cœur.

 

 

Qui vole un œuf vole un bœuf.


(A la demande d'une internaute)

Ce proverbe tire sa force évocatrice de son dynamisme poétique. Ce qui en fait un véritable proverbe. On pourrait le rapprocher d'une autre expression : mettre le doigt dans l'engrenage.
Ce proverbe nous dit qu'en définitive il y a plus d'écart entre ne pas voler et voler un œuf qu'entre voler un œuf et voler un bœuf. La transgression de la loi que constitue le premier vol est plus grave que l'évolution de la gravité du vol. Car comme l'affirme une autre expression plus familière : lorsque l'on a franchi les bornes, il n'y a plus de limite. Une fois que le sujet est dans la transgression, la distance qui sépare l'œuf du bœuf n'est pas seulement sémantique (la lettre b) ou de volume, elle est surtout de l'ordre du degré et non de la rupture. Le premier vol était, quant à lui, une vraie rupture par rapport à la loi de l'honnêteté et du respect de la propriété privée.
Ainsi donc, ce proverbe a pour but d'inciter celui ou celle qui l'écoute à ne jamais commencer à transgresser la loi sous peine de prendre le risque d'être entraîné au-delà de son intention première.

 

 

Toute vérité n'est pas bonne à dire

 

Cette remarque est particulièrement intéressante parce que difficile. Disons qu'elle est à la fois dangereuse et empreinte d'une certaine sagesse.

Elle dangereuse en ce sens que sa mise en application est extrêmement complexe. En effet, quels sont les critères qui permettront de dire qu'une vérité est bonne à dire ou non ? Ne risque-t-on pas d'être laxiste à l'égard de la vérité ? Ne risque-t-on pas de mettre en œuvre ce dicton en fonction des circonstances et des situations ? En vue de quoi, une vérité ne serait pas bonne à dire ? Mon intérêt immédiat ? L'intérêt de telle personne, tel enfant qui ne serait pas capable de recevoir telle ou telle révélation ?

Il s'agit, dès lors qu'on perçoit les risques évidents de perte des valeurs et de relativisme, de se redire pourquoi le service de la vérité est structurant pour toute personne humaine et pour la société dans son ensemble. La vérité est fondamentale pour la stabilité d'une vie sociale, d'une vie politique démocratique, d'une vie économique... Sans vérité, il n'est que chaos. Et il importe qu'existe une ou plusieurs instances publiques dont la charge consiste à faire la lumière sur les événements. La justice est l'institution fondamentale qui doit préserver le contexte de vérité des relations humaines. La presse, libre et responsable, y contribue aussi pour sa part.

On le voit bien, la vérité est donc au service de la vie. Elle est organiquement reliée aux grandes valeurs du respect d'autrui, de la vie conjugale, de la propriété individuelle et des exigences de la vie en société qui se doit de protéger les plus faibles (lesquels seraient les premières victimes d'une situation de mensonge institutionnalisée).

Le seul cas où il est envisageable de ne pas dire la vérité c'est-à-dire de se taire (il n'est pas toujours nécessaire de mentir pour ne pas dire la vérité) c'est lorsque celui ou celle qui exige la vérité l'exige pour aller contre le vœu même de la vérité : la vie sociale et personnelle de tous et de chacun. On ne peut exiger la vérité contre ce qu'elle veut promouvoir de toutes ses forces comme la paix et la vie. Ce serait la pervertir.

Même le Christ a été affronté à cette question. Mt 21, 23-27 :

Il était entré dans le Temple et il enseignait, quand les grands prêtres et les anciens du peuple s'approchèrent et lui dirent " Par quelle autorité fais-tu cela ? Et qui t'a donné cette autorité ? "
Jésus leur répondit : " De mon côté, je vais vous poser une question, une seule ; si vous m'y répondez, moi aussi je vous dirai par quelle autorité je fais cela.
Le baptême de Jean, d'où était-il ? Du Ciel ou des hommes ? " Mais ils se faisaient en eux-mêmes ce raisonnement : " Si nous disons : "Du Ciel", il nous dira : "Pourquoi donc n'avez-vous pas cru en lui ?" Et si nous disons : "Des hommes", nous avons à craindre la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. "
Et ils firent à Jésus cette réponse : " Nous ne savons pas. " De son côté il répliqua : " Moi non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. "
 

Le Christ ne peut donner la vérité à qui n'a pas le cœur droit pour l'entendre. Exiger la vérité ne peut se faire qu'à la condition d'être vrai avec cette vérité. La redondance de la formule n'est qu'apparente. Ce que l'on dit ici, c'est que l'on ne peut prendre les valeurs séparées les unes des autres sans tomber dans la perversion.

 

 

Ventre affamé n'a pas d'oreille


Celui qui a déjà vraiment eu faim, sait combien le souci de la survie quotidienne occupe et oriente tout le champ de la conscience et de l'activité. Se soucier des valeurs, prendre le temps de s'informer sur la vie des autres, devient secondaire lorsque l'on est entièrement tendu vers l'unique objectif de sa survie immédiate.
De manière plus distante, celui qui est habité, voire possédé par un puissant désir est sourd à tout autre chose qui l'éloignerait de cet objectif.
Les conséquences de ces remarques sont simples. La vie associative, la vie politique, le travail à l'éducation des enfants, ... ne sont des activités possibles que dans un contexte de relatif confort. Ainsi, dans toute problématique de développement on apprend assez vite que le début de tout progrès social commence par un apport de nourriture suffisant.
Admirables sont les personnes qui, dans des conditions aussi extrêmes que les camps de concentration nazis de la seconde guerre mondiale, ont su garder dignité et sens de la solidarité. Ils nous révèlent par là que l'essentiel de la nature humaine ne se dit pas d'abord à travers sa biologie et sa dimension corporelle mais avant tout dans sa capacité à donner du sens à ses actes, quitte à renoncer à sa propre survie immédiate au profit d'actes qui disent l'homme au-delà de sa singulière humanité, d'actes spirituels, en somme.

 


Vivre d'amour et d'eau fraîche


(A la demande d'un internaute)

L'expression s'entend habituellement à la forme négative. " On ne peut vivre d'amour et d'eau fraîche ". Le sens de ce proverbe dépend tout particulièrement de la signification que l'on attribue à l'amour. Ordinairement, il est adressé aux nouveaux amoureux, à ceux qui pensent que puisqu'ils s'aiment, il ne pourra rien leur arriver. Dans ce sentiment très fusionnel des débuts d'une relation amoureuse, on croit volontiers que le monde vous appartient et que tout est possible. Or le réel résiste bien souvent à la toute puissance de l'imaginaire. Les amis, les parents, le conjoint parfois, ayant l'impression que tel ou telle se trouve déconnecté du réel, peuvent alors renvoyer cette expression de sagesse pour rappeler le poids et les exigences de la vie.
Cependant, si l'amour est bien le sentiment qui nous fait prendre au sérieux la vie de l'autre, non seulement dans l'instant présent mais aussi dans l'avenir en tenant compte de l'histoire, alors, il semble bien que l'amour, loin d'être un échappatoire au réel, devient un moteur pour vivre courageusement en ce monde. Nous sommes ici dans un tout autre registre : celui de la responsabilité et de la lucidité. Aimer vraiment, n'est-ce pas tout mettre en œuvre pour que ceux que l'on a décidé d'aimer (les membres de sa famille, des pauvres, des étrangers,…) soient des vivants, des hommes, des femmes et des enfants debout. Mais, alors, dans ce cas là, l'amour sait bien que l'eau fraîche ne suffit pas.
Nous pourrions rapprocher ce proverbe d'une expression bien connue de St Augustin " Aime et fais ce que tu veux ". Il s'agit d'une formule que l'on trouve dans le commentaire de la première épître de St Jean. Nous la trouvons plutôt ironique. En effet, si comme le suppose le verbe diligere, aimer signifie aimer avec volonté à la manière du Christ, alors il est assez clair que celui qui a décidé de vivre selon un tel amour a déjà tout décidé et qu'il n'y a plus de place pour le " fais ce que tu veux ". A moins que, autre compréhension possible de l'expression augustinienne, il faille entendre : Aime avec volonté, et ce que tu veux faire, fais-le.

Seul celui qui a compris combien aimer vraiment rend libre et heureux peut dire avec vérité une telle formule.

 

   

 

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